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ST-AIMS 09 : Nouvelles dynamiques dans la recherche sur le conseil et l’audit

Mots-clés : Conseil, Audit ,Professional Service Firms

 

Cette ST-AIMS encourage le développement des recherches sur le conseil, qu’il s’agisse du conseil en management, de l’audit ou d’autres types de services en gestion (relations publiques, marketing, politique, services techniques, etc.). Les cabinets de conseil ont un impact déterminant sur le monde des affaires, comme lieu de formation de l’élite managériale (Stenger, 2017 ; Villette, 2003), comme laboratoire de création et de prescription de la norme (Henry, 1992), ou encore comme véhicule de diffusion de nouvelles pratiques et méthodes managériales (Benders et al., 1998). En 2018, les cabinets ont généré des revenus de 634 milliards pour 4,3 millions de salariés (IBISWorld, 2019). Si elle a aussi souffert de la crise sanitaire, l’industrie du conseil-audit figure, comme après la crise financière de 2008, parmi celles qui rebondissent le plus rapidement (Xerfi, 2020). De plus, alors que de profondes mutations des organisations et du travail sont au coeur des spéculations sur « le monde d’après », les acteurs du conseil sont au centre de ces questions (télétravail, inclusion, défis sociaux et environnementaux, etc.). S’intéresser au conseil, c’est chercher à mieux comprendre les mécanismes qui façonnent les formes contemporaines du capitalisme (Sturdy et al., 2015 ; Chong, 2018).

 

La littérature sur le conseil, aujourd’hui foisonnante, a longtemps été pensée dans une opposition entre fonctionnalisme et critique (Cooper et Hopper, 1987) qui mettait artificiellement à dos praticiens et chercheurs, management et sociologie (Morales & Sponem, 2009). Les recherches récentes contournent cette opposition avec comme point commun la volonté de s’ancrer dans l’empirie et de développer de nouvelles théories. Ces études portent, à titre d’exemple, sur la performance de l’autorité, les business models, la socialisation et la construction de l’identité des consultants, les transformations réglementaires ou encore les discriminations liées à la race et au genre, etc. (Bourgoin et al., 2020 ; Laszczuk and Mayer, 2020 ; Kumra & Vinnicombe, 2008 ; Anderson et al., 2005 ; Iatridis et al., 2021 ; Spence & Carter, 2014).

 

Cette ST-AIMS souhaite donc poursuivre cette perspective pour laquelle plusieurs axes de recherche (non exhaustifs) sont identifiés.

 

Nouveaux objets et business models du conseil

De nouvelles thématiques, parfois ambigües et expérimentales, émergent et deviennent des objets d’attention des firmes et des consultants : RSE, management libéré, bien-être au travail, sens du travail, défi climatique, etc. Les consultants, impliqués dans un travail permanent de qualification et de valuation du service (Barraud De Lagerie et al., 2013 ; Bourgoin 2015), s’emparent de ces thématiques pour les traduire en prestations (Mosonyi et al., 2020). Il convient ainsi de questionner : comment les consultants identifient et transforment-ils les nouveaux sujets en prestations de services ? Comment les cabinets s’adaptent-ils aux nouvelles attentes des clients? Comment se développent et s’organisent les nouvelles formes de consultation à l’extérieur des grandes firmes ?
Ces mutations des organisations comme du travail engendrent des transformations du business model des firmes de conseil afin que leurs prestations soient en adéquation avec les attentes et besoins de leurs clients et assurent leur performance (Tavoletti et al., 2021). Le secteur du conseil a ainsi vu éclore de nouveaux acteurs (e.g. plateformes, agences de design, etc.) qui réinterprètent les normes et pratiques du conseil et modifient les frontières de l’industrie. Dans ce contexte, il semble pertinent d’explorer des questionnements tels que : comment émergent de nouveaux acteurs dans l’industrie du conseil ? Quels rôles jouent les nouvelles technologies dans l’innovation de business model pour les activités de conseil ? À l’image de toute nouvelle entreprise, comment les nouveaux acteurs de l’industrie du conseil gèrent-ils la tension entre conformité aux normes en vigueur du secteur et distinction des acteurs existants (McKnight & Zietsma, 2018) ? Comment des cabinets de conseil existants développent-ils de nouvelles propositions de valeur et adoptent-ils de nouveaux business models (e.g. Laszczuk & Mayer, 2020) ?

 

Pouvoir, influence et autorité

Dans une position d’acteur externe sans position hiérarchique dans l’organisation ou dans celle d’expert qui cherche à produire des connaissances perçues comme vraies par les clients (Bourgoin et al., 2020 ; Handley et al., 2007), le consultant est au coeur des dynamiques de pouvoir « soft », des logiques d’autorité ou encore des mécanismes d’influence (Levina & Orlikowski, 2009 ; Fleming & Spicer, 2014). Dans cette perspective, plusieurs voies de réflexion peuvent être approfondies : comment la connaissance façonne-t-elle les dynamiques de pouvoir et d’influence liées aux activités de conseil ? Quelles sont ces dynamiques lorsqu’elles intègrent des parties prenantes externes telles que les clients ou des confrères ? Quel rôle joue l’identité organisationnelle – celle du cabinet de conseil comme celle de la firme cliente (e.g. Harvey et al., 2017) - dans ces mécanismes (Mosonyi et al., 2020) et quelles en sont les conséquences (e.g. contrôle organisationnel, l’inclusion des minorités – Covaleski et al., 1996 ; Anderson et al., 2005) ? Comment les cabinets de conseil contribuent à la production et la dissémination des idées et innovations managériales (O’Mahoney & Sturdy, 2016 ; Empson, 2001), de nouveaux concepts théoriques (Carton, 2020) ou l’emploi de nouvelles méthodes (Benders et al., 1998) ? Comment, au travers de ces mécanismes, ces firmes façonnent-elles le monde des affaires, notamment par la formation des futurs cadres dirigeants (e.g. François & Lemercier, 2016 ; Djelic, 2004) ?

 

Ethnographies du conseil

D’un point de vue méthodologique, les recherches empiriques sur le conseil sont principalement dominées par des études fondées sur des entretiens avec des acteurs l’industrie. Considérant le caractère complexe et situationnel des activités de conseil une approche ethnographique a déjà démontré sa pertinence pour explorer et comprendre les situations organisationnelles auxquelles les acteurs dont face ainsi que leurs pratiques (e.g. Bourgoin, 2015 ; Stenger, 2017). Dans le cadre de cette réflexion méthodologique, les travaux peuvent s’interroger sur les dispositifs et design de recherche soutenant ce type d’investigations empiriques tels que l’autoethnographie (e.g. Bourgoin et al., 2020) ou la covert research (Roulet et al., 2017). Quelles approches, dispositifs et outils de recherche pour étudier le conseil – le dispositif CIFRE par exemple (Laszczuk, Garreau & Mendiondou, 2020) ? Peut-on étudier le conseil dans la position de consultants ? Comment étudier la socialisation des consultants en étant soi-même en cours de socialisation ? Quelle est la place de la relation client dans l’étude ethnographique du conseil ? Quelle est l’actionnabilité des connaissances développées dans le cadre de ces études ?

 

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