AIMS

ST-AIMS 01 : Design, stratégie, numérique

Mots-clés : Design, Management, Stratégie, Numérique, Innovation, Créativité

 

Design et stratégie. Le design a une influence grandissante sur les pratiques managériales. Après un début limité au design des produits puis des services, il acquiert depuis plusieurs années désormais une dimension stratégique. Cette dimension stratégique du design attire l’attention des chercheurs en management tout comme l’intérêt de plus en plus d’entreprises, petites et grandes, qui y voient un moyen de se procurer et de maintenir un avantage concurrentiel (Szostak, 2006 ; McGrath, 2019, 2013). En effet, le design appliqué aux produits mais également à l’organisation des entreprises ou des plateformes, impacte majoritairement la performance de ces dernières (Gemser et Leenders, 2001 ; Brunswicker et al., 2019). Dans cette perspective, le design stratégique (Szostak et Dhuyvetter, 2010) correspond à une activité de transformation de l’organisation (Björklund et al., 2020 ; Saleh, 2020).

 Au-delà du design produit, le rôle des consommateurs et des parties prenantes. De nombreux travaux montrent l’impact positif du développement de nouveaux produits, en lien avec le design, souvent conjugué au marketing et s’inscrivant dans une vision stratégique de développement de l’entreprise. Design, Marketing et Stratégie sont un trio gagnant pour révolutionner les produits (Hemonnet-Goujot et al., 2019). Mais, cet aspect marketing n’est en réalité qu’une voix de passage nécessaire pour que le design prenne toute sa dimension stratégique. L’implication des consommateurs-utilisateurs dans le design des objets, leurs aspects physique et ergonomique sont des déterminants majeurs du succès d’un produit (Bloch, 1995 ; Szostak et Boughzala, 2020) et qui se sont développés dans le management de l’innovation via la théorie et les pratiques de von Hippel, (1986). Successivement, les consommateurs – utilisateurs ont été rejoints par d’autres parties prenantes, fournisseurs, employés, entreprises au sein d’un même stratégique et un moyen d’échange de communication des idées (Béjean, 2015).

 

Le design stratégique. La manière dont le design peut devenir un avantage compétitif par la création de nouveaux mondes signifiants a été conceptualisée par Roberto Verganti et les chercheurs du courant design-driven innovation (Verganti, 2008). L’aspect stratégique du design peut également être considéré comme une capacité dynamique des entreprises. C’est ce que propose Sahakian et Ben Mahmoud-Jouini (2021). La capacité stratégique du design est construite pour acquérir des ressources, les déployer dans des activités telles que des projets, capitaliser sur l’apprentissage et ainsi développer progressivement des connaissances qui sont ensuite partagées et diffusées. Sahakian et Ben Mahmoud-Jouini (2021) décrivent ainsi la nécessité stratégique du design et sa déclinaison opérationnelle, afin de contribuer au renouvellement des ressources de l’entreprise.

Il est à noter que le design stratégique s’éloigne du design thinking et de ses errements qui ont conduit au rejet de certaines techniques par une majorité d’entreprises, trop nombreuses et finalement difficiles à concrétiser (Micheli et al., 2019). Ainsi de nombreux paradigmes se sont développés durant la dernière décennie pour rapprocher le design du management stratégique (Borja de Mozota, 2002, 2018 ; Abecassis-Moedas et Hemonnet, 2021). Désormais, nous considérons que le design stratégique est rendu concret et s’introduit pleinement dans les entreprises par différents chemins, comme par exemple la stratégie ouverte (von Krogh et Geilinger, 2019), mais aussi la dématérialisation et son corollaire la numérisation.

 

De la matérialité au dématérialisé : la place du numérique. La matérialité est consubstantielle au design (on touche les objets). Toutefois, aujourd’hui le design concerne également des produits et des services relevant de domaines plus variés, comme l’art ou la cuisine gastronomique (Capdevilla et al., 2021). Ces aspects sont captés par des entrepreneurs qui, par leur créativité, façonnent de nouvelles chaines de valeur (Elias et al., 2017). Aussi, les évolutions récentes dans le domaine de l’art font la part belle à la dématérialisation, à la numérisation, c’est par exemple le cas pour les NFT (non-fungible token), que l’on peut considérer comme une réussite entrepreneuriale, artistique et technologique, dont nombre de designers se sont emparés (Long, 2021). Ainsi, il nous semble essentiel de davantage considérer l’effet adjuvant du numérique à toutes stratégies (Timsit, 2018). En effet, le numérique a un effet fort sur la capacité de design des organisations et la connexion avec les parties prenantes. Par exemple, des opérations de design se retrouvent dans la structuration des concours et ce notamment via des plateformes en ligne comme le cas des concours de Crowdsourcing (Rajagopal, 2021). Ces approches mettent l’accent sur le caractère collectif que revêt le design aujourd’hui (Ibrahim, 2021) et que les réseaux sociaux et la numérisation ont renforcé (Barlatier et Burger-Helmchen, 2019). En même temps, le design est accusé par certains de servir les seuls intérêts des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) avec comme objectif de retenir les consommateurs-utilisateurs le plus longtemps possible et d’inciter le plus grand nombre à la consommation1 à travers les pièges à utilisateurs ou « dark patterns », par exemple.

Le numérique et le design entretiennent dès lors des liens nouveaux (Gao et Hands, 2021) sur la capacité à réunir un plus grand nombre d’acteurs qui participent au design d’un produit et sur la capacité à diffuser et faire valider un design (Calabretta et Kleinsmann, 2017). En revanche, il s’avère nécessaire pour le manager de développer des nouvelles compétences et de nouveaux comportements pour être en capacité à bien observer, expérimenter et améliorer de nouvelles manières de faire (Dejoux et Léon, 2018). Il en est de même pour l’impact du design sur les artéfacts du numérique –hardware et software-.

 

Prenant acte de l’influence grandissante du design sur les pratiques managériales, et basée sur des études empiriques et théoriques, cette ST-AIMS vise à interroger les modalités de cette influence, ses apports ainsi que ses limites mais aussi les critiques qui lui sont adressées. A titre indicatif, et sans prétendre à l’exhaustivité, les contributions attendues pourront notamment apporter des éléments de réflexion et de réponses aux grandes questions suivantes :

- Comment se concrétise le design en tant que levier de transformation des organisations, mais aussi de territoire ou d’écosystème à l’ère du numérique ?

- Quelles sont les conditions de réussite de l’intégration du design dans la stratégie de l’entreprise ?

- Est-ce que ces conditions sont semblables selon les secteurs d’activité, le statut des organisations, leur taille ?

- Comment le design et numérique traitent des questions liées à l’intelligence artificielle ou du big data, et à l’éthique ?

- L’intégration des parties prenantes dans des opérations de design stratégique est-elle facilitée par le recours au numérique ?

 

>> Télécharger