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ST-AIMS 12 : Plateformes : perspectives critiques & alternatives

Mots-clés : Plateformes, Alternatives, Coopérativisme de Plateforme, Encastrement, Territoire, Perspectives Critiques.

 

Dans la littérature académique, les « plateformes numériques » sont généralement associées à l’évolution du capitalisme contemporain. Ainsi, pour Srnicek [2017] les innovations opérées via les technologies numériques ont permis le développement d’une nouvelle forme d’entreprise : « l’entreprise-plateforme » capable d’extraire, de traiter et de contrôler des volumes très importants de données pour générer de nouveaux profits. Même si elles sont parfois associées à l’économie du partage, ces entreprises plateformes se caractérisent par une position dominante sur leur marché en raison d’externalités de réseau et d’un fort soutien de la finance globalisée (Acquier et al, 2017). Elles maximisent le bénéfice de ce positionnement en procédant à une extraction systématique de valeur monétaire, via des commissions sur les transactions, ou la valorisation des données personnelles des usagers.

Ces plateformes dominantes (Uber, Airbnb, Amazon) font l’objet de nombreuses critiques dans le débat public ainsi que dans la recherche académique. Ces critiques concernent notamment le risque de désintégration du travail et de la protection sociale. En effet, l’externalisation du travail permet aux plateformes de services à la demande de reporter les coûts d’investissement sur les travailleurs eux-mêmes (livreurs, chauffeurs de taxi, etc.). Ces travailleurs sont pour la grande majorité d’entre eux non-salariés, ce qui permet aux plateformes de comprimer encore les coûts. En outre, les travaux d’Antonio Casilli (2019) ont fait la démonstration que le traitement algorithmique des données masquait souvent des décisions humaines de gestion appliquées par des « travailleurs de la donnée » eux-mêmes en situation d’exploitation. Derrière la façade d’une rationalité algorithmique optimisatrice, ces travaux dévoilent des logiques orchestrées par les « entreprises plateformes » pour façonner les marchés sur lesquels elles opèrent. D’autres critiques concernent l’exploitation systématique des données personnelles des usagers et l’opacité des procédés employés, conduisant à ce que Zuboff (2019) a pu nommer dans son ouvrage à un « capitalisme de surveillance ». Paradoxalement, on reproche ainsi à ces plateformes leur pouvoir global et intangible dû à leur nature digitale, et des effets délétères très concrets et locaux dans les territoires où ils opèrent (Wachsmuth & Weisler, 2018). Ces logiques de pouvoir de l’entreprise-plateforme se répercutent par le système de notation généralisée entre les utilisateurs (Barbe & Hussler, 2019).

Les dérives et les critiques du capitalisme de plateforme on conduit à l’expérimentation de modèles alternatifs. Au cours des dix dernières années, de nombreuses initiatives ont vu le jour en Europe et aux Etats-Unis. Sur des marchés où des effets de réseaux tendent à produire des phénomènes de « winner-take-al », l’émergence d’alternatives, le plus souvent dénuées d’investissements financiers suffisants, est délicate. Face à l’adversité, les plateformes alternatives expérimentent des positionnements et des modalités de fonctionnement différentes en puisant à plusieurs courants : celui des communs et des logiciels libres, ou encore en s’appuyant sur la tradition coopérative. Ces plateformes alternatives dessinent des modèles originaux susceptibles de favoriser un réencastrement de l’économie numérique - et/ou numérisée - afin de mieux répondre à des enjeux de transition écologique et sociale (Vercher-Chaptal, 2021 ; Aufrère et al. 2022).

 

Ce STAIMS vise à rassembler à la fois les chercheurs travaillant sur les critiques de ces plateformes dominantes, mais aussi ceux se penchant sur les formes alternatives et émergentes de plateformes. Le STAIMS visera à rassembler les contributions empiriques et théoriques sur ces questions.

Les contributions pourront aborder l’une ou l’autre des questions suivantes, sans prétention d’exhaustivité. Toute autre contribution sur les plateformes, leurs critiques et les alternatives à ces plateformes seront les bienvenues. Il est à noter que ces perspectives critiques varient en fonction des contextes institutionnels et culturels, ce qui pourra être inclus dans les contributions proposées.

 

Sur les critiques adressées aux « entreprises plateformes » :

• Dans quelle mesure certains mouvements sociaux des travailleurs de plateforme constituent-ils un contre-pouvoir face aux plateformes numériques ?

• En quoi les plateformes dominantes révolutionnent-t-elles la relation managériale, au travail, à l’identité professionnelle, etc. ?

• Quel(s) visage(s) prend la responsabilité sociale des entreprises de plateformes ?

 

Sur les alternatives émergentes à ces plateformes dominantes :

• Comment rendre compte des différents types d’alternative aux plateformes dominantes ?

• Comment fonctionnent les plateformes coopératives ?

• Quels sont les grands référentiels à la fondation des plateformes alternatives ?

 

Sur le modèle économique de ces plateformes alternatives :

• Peut-on penser un modèle d’affaire soutenable pour une plateforme alternative ?

• L’hégémonie monopolistique est-elle le seul horizon de développement économique des plateformes ?

• Par quels mécanismes la montée à l’échelle des plateformes alternatives est-elle possible?

• Les plateformes alternatives sont-t-elles limitées à un marché de niche ou à un territoire ?

• Quelles relations les plateformes entretiennent-elles avec les territoires dans lesquelles elles opèrent ? Quelles relations et quels enjeux de partenariat avec les acteurs public ?

 

Sur les choix technologiques des plateformes alternatives :

• Sur quels choix technologiques peuvent reposer les plateformes alternatives ?

• Quels sont les pratiques technologiques innovantes des plateformes alternatives ?

• Etc.

 

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