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ST-AIMS 10 : Orchestrer et valoriser les ressources pour de nouveaux BM face aux grands défis sociétaux et environnementaux

Mots-clés : Business Model, Orchestration, Valorisation, Grand Challenges, Plateforme Numérique

 

Cette session thématique est portée par le GT « Valorisation des ressources et des compétences et business models ».

 

Depuis quelques années, les organisations évoluent dans un environnement de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu. Cette dynamique en mouvement, largement développée et entretenue par la révolution numérique, génère paradoxalement et simultanément de nouvelles contraintes et multiplie les accès à une profusion de ressources. En effet, l’évolution des technologies numériques a ouvert les vannes de l’accès à certaines ressources (les chambres inoccupées des logements pour Airbnb, les espaces vides des voitures pour Blablacar, les outils non utilisés pour Allovoisins, etc.) alors que, dans le même temps, sous l’effet des contraintes climatiques, d’autres ressources se raréfient (ressources naturelles, etc.) ou deviennent de plus en plus difficiles à utiliser en raison de contraintes réglementaires croissantes (énergies non autorisées, interdiction de certains matériaux, etc.). Ce double mouvement, porteur d’opportunités et de menaces, crée un momentum favorable à l’évolution de business models et à une réinvention de ce qui fait la ressource pour l’organisation.

 

D’un côté, les évolutions technologiques et la diffusion des modèles de plateforme ont créés de nouvelles opportunités qui conduisent les entreprises à développer de nouvelles pratiques d’orchestration des ressources et à faire émerger des business models originaux. L’intelligence artificielle et les algorithmes permettent, par exemple, de nouvelles propositions de valeur d’hyperpersonnalisation ou donnent aux entreprises l’accès à des ressources inenvisageables ou inexploitables jusqu’alors, telles que les masses de données sur les comportements et les usages des clients. Ces business models de plateforme de l’économie numérique ne cherchent plus à détenir en interne quelques actifs stratégiques mais font plutôt le choix de valoriser une masse de ressources ordinaires (Frery & al., 2015). D’un autre côté, les défis environnementaux et sociétaux de notre siècle poussent les entreprises à interroger et remettre en question leurs pratiques d’utilisation intensive des ressources traditionnelles. De nouvelles contraintes apparaissent qui obligent la recherche, la sélection et l’usage de nouvelles ressources. Nous voyons émerger, dans de nombreux secteurs, des innovations de business model s’appuyant sur des ressources ordinaires ou négativement perçues : les business models circulaires ou les business model d’ « upcycling » valorisant les déchets, les business model inclusifs favorisant l’intégration de l’ensemble des ressources humaines ou encore les business models capables de redonner vie à des produits tombés en désuétude.

 

De manière plus profonde, ces nouvelles pratiques questionnent les fondements de l’approche ressources et notamment sa focalisation sur les ressources internes et sur les processus associés contribuant à maintenir une ambiguïté causale freinant l’imitation concurrentielle (Peteraf, 1993). A l’ère du numérique, la détention interne de ressources rares et inimitables n’est plus une priorité stratégique pour le développement d’un avantage concurrentiel. Désormais, l’accès à une masse de ressources externes à forte valeur ajoutée peut s’avérer plus important (et moins coûteux) que la détention et la protection de ressources internes. Parce que les technologies numériques ouvrent les frontières des entreprises et des organisations, elles offrent de nouvelles possibilités d’exploration et d’exploitation de ressources détenues par des partenaires externes (Trabucchi et al., 2016), favorisant l’innovation, la création de valeur partagée et le développement de nouveaux business models ouverts (Chesbrough, 2006). De nouvelles sources externes de croissance et de performance peuvent alors émerger, comme en témoigne le succès international d’Airbnb qui a bâti son business model sur le partage de logements et d’expériences touristiques entre particuliers. Au niveau du business model, ce changement de vision est crucial car il suppose le développement de stratégies centrées sur l’accès et le contrôle de ressources externes plutôt que sur leur appropriation et leur préservation. Les mécanismes de création de valeur s’en trouvent alors modifiés, tout comme la proposition et la capture de valeur qui peuvent subir d’importantes refontes (Appleyard & Chesbrough, 2017). Aujourd’hui, de nouvelles situations empiriques tendent à réinterroger les principes fondamentaux de l’orchestration des ressources, notamment parce que les technologies numériques amènent de nouvelles pratiques, stratégies, politiques ou encore de nouveaux processus, mécanismes, outils et espaces, qui supposent la mise en oeuvre de nouvelles configurations de ressources (Amit & Han, 2017). C’est le cas de l’économie du partage et de l’économie collaborative qui ont développé des logiques d’orchestration inédites, instrumentalisées par les plateformes numériques et reposant sur des mécanismes de partage, de prêt, de don ou encore de transactions de particuliers à particuliers (etc.) (Zeng et al., 2021). Un autre exemple est celui des démarches d’innovation ouverte au sein de projets, processus, organisations et réseaux multi-acteurs qui déploient de nouveaux mécanismes d’orchestration hybrides et multi-niveaux (e.g. Andersen & Ljungkvist, 2020 ; Carnes et al., 2017 ; Reypens et al., 2021 ; Schepsis et al., 2021). Les exemples contemporains sont nombreux et démontrent le pouvoir transformatif du numérique. On peut citer notamment, l’émergence de nouveaux business model autour des communautés en ligne (Joachim and Laszczuk, 2020), ou de la data (Chen et al., 2017).

 

L’étude des nouvelles logiques d’orchestration des ressources qu’implique l’ère du numérique peut s’envisager de différentes manières :

• Une première voie réside dans l’étude des problèmes que ces nouvelles logiques posent, notamment en matière de gestion des frontières et d’espaces, de propriété intellectuelle, de répartition équitable de la valeur entre les propriétaires des ressources, d’accès et de contrôle des ressources externes, d’autonomie des ressources ou encore de performance des business models.

• Une deuxième voie peut analyser le fonctionnement même de ces logiques, leur processus de mise en oeuvre, leur évolution ou encore les capacités organisationnelles requises (nouvelles ou non) pour les soutenir.

• Enfin, une troisième voie peut s’intéresser aux conditions organisationnelles nécessaires à l’exécution de ces nouvelles logiques d’orchestration (antécédents, leviers et freins). Sont-elles liées au niveau de maturité organisationnelle de l’entreprise ou encore aux résultats produits en matière de valeur ?

Dans un contexte où les organisations doivent répondre à des grands défis environnementaux, sociaux et sociétaux (Brammer & al., 2019), il convient également de s’interroger sur les réponses stratégiques et organisationnelles à ces défis. Passeront-t-elles par une utilisation plus efficiente des rares ressources stratégiques ou par la capacité des organisations à faire preuve de créativité en identifiant, développant et mobilisant des ressources largement disponibles ou délaissées ? Dans de nombreux secteurs (mode, agroalimentaire, bâtiments, design), de plus en plus d’entreprises inventent des business models et des pratiques de management des ressources capables de créer de la valeur à partir de « déchets », c’est-à-dire des objets, des matières, des matériaux délaissés car perçus comme inutiles. Elles réalisent ainsi une double ou triple création de valeur : valeur économique, environnementale, et sociétale. Explorer ces initiatives conduit à déplacer l’attention des chercheurs sur les ressources peu étudiées par la majorité des travaux de l’approche ressources et compétences et sur les pratiques managériales permettant d’en tirer de la valeur. De manière plus profonde, ces nouvelles pratiques questionnent les fondements de l’approche ressources, notamment la conception implicite de la valeur la réduisant à sa dimension économique et une focalisation principale sur le développement de l’avantage concurrentiel durable. Face à ces limites, les travaux sur les réponses stratégiques aux « grand challenges » (Hamann & al., 2020) ou la littérature sur les « Sustainable business model » (Schaltegger et al., 2016; Stubbs & Cocklin, 2008) peuvent être des pistes intéressantes. Toutefois, comme le souligne Laasch (2018), la logique de valeur principale du Business Model est toujours plutôt de nature commerciale, et qu’il n’existe pas encore de cadre d’analyse permettant de prendre en considération en même temps les différentes valeurs créées pour les différentes parties prenantes. Pour explorer ces perspectives, nous proposons de croiser les approches ressources et compétences et Business models (Demil & al., 2018 ; Lecocq & al., 2010). Nous pensons que cela peut constituer une piste intéressante permettant de mieux comprendre comment des managers ou des entrepreneurs parviennent à créer de valeur économique, sociale, environnementale pour différentes parties prenantes.

 

Les contributions attendues

Cette STAIMS est ouverte à tous types d’approches théoriques, épistémologiques, et méthodologiques. Dans le cadre de cette session thématique, nous sommes d’ailleurs intéressés par les recherches encore exploratoires, donnant à voir des pratiques développées par les managers pour créer de la valeur à partir de ressources « non stratégiques », de nouvelles technologies ou de nouveaux modes d’orchestration de ces dernières. Plusieurs voies de recherche semblent particulièrement intéressantes, sans être exclusives :

- Comment les organisations revoient leurs processus d’orchestration des ressources pour répondre aux « grand challenges » ?

- Dans un contexte de contraintes de ressources de plus en plus pressantes, comment les entreprises réinventent leurs BM et les ressources associées ?

- Quelles pratiques d’orchestration des ressources pour les BM de plateformes ?

- Par quelles pratiques, les managers valorisent-ils leurs ressources afin de développer des stratégies performantes ?

- Comment les managers reconfigurent-ils leurs BM lorsque les principales ressources de leur organisation perdent de la valeur ?

- Comment les nouvelles technologies permettent de valoriser des ressources négatives ou ordinaires ?

- Comment les entreprises arrivent-elles à reconfigurer leur organisation pour créer de la valeur avec leurs clients ?

- Comment certaines organisations arrivent à développer un business model créateur de valeur à partir d’une masse de ressources ordinaires (Fréry, Lecocq & Warnier, 2015) ?

- Comment des entrepreneurs façonnent un business model créateur de valeur économique et sociale à partir de ressources négativement perçues par les autres acteurs du champ (Warnier & Weppe, 2019) ?

- Comment les entreprises réagissent-elles lorsque leurs ressources, leurs compétences ou leurs modes de production sont dévalorisés par des parties prenantes externes ?

 

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