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ST-AIMS 06 : Les collectifs d'organisations à l’échelle territoriale et la transition écologique et solidaire : méta-organisations, clusters et écosystèmes d'innovation

Mots-clés : Méta-organisations, Territoire, Transition Ecologique et Solidaire, Ecosystèmes d'innovation

 

Les collectifs d’organisations rassemblent et impliquent un ensemble d’organisations différentes, tant sur le plan de leur nature (publique ou privée, à but lucratif ou non) que de leurs activités, autour d’un problème commun, menant à des stratégies collectives (Astley et Fombrun, 1983) et allant parfois jusqu’à la création d’une structure organisationnelle distincte. Les collectifs d’organisations permettent à ces dernières de se réunir afin de partager des ressources économiques, politiques, stratégiques mais aussi relationnelles (Dyer et Singh, 1998). Ces collectifs d’organisations favorisent ainsi l’action collective inter-organisationnelle, tout en permettant à chaque organisation impliquée de conserver son autonomie et son intérêt propre.

Les collectifs d’organisations réunis autour d’un même sujet font aujourd’hui l’objet d’un engouement croissant, qui se manifeste sur le plan empirique par une grande diversité de formes et statuts juridiques : associations loi 1901, coopératives (Valiorgue, 2020), syndicats professionnels et fédérations d’entreprises (Dumez et Renou, 2020), et plus récemment sociétés coopératives d'intérêt collectif (Duprat, 2020) ou pôles territoriaux de coopération économique (Saniossian, 2020). Sur le plan théorique, ces collectifs peuvent être observés comme des méta-organisations, c’est-à-dire des organisations dont les membres sont eux-mêmes des organisations (Ahrne et Brunsson, 2005, 2008), situées à un niveau intermédiaire entre les organisations et l’environnement (Leys et Joffre, 2014) et qui traitent collectivement de questions auxquelles les organisations ne peuvent répondre seules (Berkowitz & Dumez, 2016).

Au-delà des formes institutionnalisées d’action collective, telles que les méta-organisations, se multiplient également aujourd’hui les collectifs d’organisations sous des formes spontanées d’action. En effet, diverses initiatives collectives ne se sont pas dotées d’une forme juridique ou d’une structure de gouvernance, telles que les clusters industriels, les réseaux, les projets collectifs de territoire, les écosystèmes d’innovation sociale (Besançon et al., 2017), ou les tiers-lieux (Scaillerez, et Tremblay, 2017).

Plus particulièrement, ces collectifs d’organisations s’engagent régulièrement en faveur de la transition écologique et solidaire, entendue comme « une transformation fondamentale vers des modes de production et de consommation plus durables » (Markard, Raven et Truffer, 2012), visant autant la soutenabilité environnementale que sociale. Face à l’ampleur de ces enjeux, parfois qualifiés de "grand challenges” (George et al., 2016 ; Howard-Grenville, 2021), se multiplient les appels à plus de coordination, de coopération et d’action collective globale, dans une économie mondialisée. Pour les collectifs d’organisations, l’intégration de la question de la transition écologique et solidaire peut correspondre à des temporalités et des dynamiques différenciées. En effet, les enjeux et les négociations ne seront pas les mêmes si le collectif d'organisation est créé pour répondre directement à des objectifs de transformation écologique, ou s’il a été créé sur d’autres objectifs économiques ou sociaux et qu’une partie des acteurs cherchent à intégrer des objectifs de transition.

Les collectifs d’organisations constituent également un point de rencontre entre pouvoirs publics et organisations de l'économie sociale et solidaire (ESS) autour d’enjeux d’innovation sociale (Favreau, 2008 ; Grenier et Guitton-Philippe, 2010), de gestion de communs (Ostrom, 1990 ; Lapoutte, 2021) ou encore de de développement des activités dans ce secteur (Marival, Petrella et Richez-Battesti, 2016).

Comme rappelé par le Comité économique, social et environnemental (CESE) en 2017 « la transition écologique et solidaire engage une profonde mutation de notre société qui implique, sur chaque territoire, l’ensemble des acteurs économiques, sociaux, culturels, tant privés que publics »2. Ainsi, la question territoriale et locale des collectifs d’organisation qui se développent en faveur de la transition écologique et solidaire est un sujet d’actualité, qui interroge les places, rôles et fonctions du territoire dans le développement des collectifs et leur action en faveur de cette transition. Raulet-Croset (2014) met en évidence l’intérêt de considérer le territoire comme un objet de gestion, entre le territoire prescrit et le territoire construit. Le territoire est alors vu comme « un agencement territorial, connectant à l’échelle d’un espace donné un ensemble de ressources hétérogènes, aussi bien humaines que spatiales, ou encore liées à des technologies, à des compétences et à des connaissances » (Raulet-Croset, 2014, p. 48).

La gouvernance multi-parties prenantes (Ehlinger et al., 2015), la gouvernance de territoire (Raulet-Croset et Amar, 2013) ainsi que les collectifs de l’ESS (Lacroix & Slitine, 2016) sont autant de thématiques cherchant à traiter la question de l’influence du territoire dans la transformation des formes organisationnelles, de leurs objets et leurs frontières pour faciliter l’implication progressive « dans un problème commun et d'en faire tous les acteurs d'une même action territoriale » (Michaux et al., 2011, p. 129).

 

L’étude des collectifs d’organisations a jusqu’ici principalement porté sur les collectifs institués sous forme de méta-organisations, à une échelle géographique élevée (niveaux national ou international), et moins à l’échelle territoriale infranationale (Duprat, 2020 ; Gadille et al., 2013). En même temps, parmi ces études, peu se sont intéressées à la façon dont les acteurs intègrent des enjeux propres à la transformation écologique. Pourtant, d’une part, sur le plan empirique, le phénomène s’avère important à l’échelon local, comme en témoigne le développement des contrats de transition écologique, des projets alimentaires territoriaux (Michel, 2020), des communautés d’énergies renouvelables, ou encore des projets de tourisme durable (Peyrache-Gadeau et al., 2017). De surcroît, les enjeux liés à la transition écologique et solidaire appellent une gouvernance polycentrique et décentralisée (Bauwens et Mertens, 2018). D’autre part, cette montée en puissance se traduit sur le plan théorique par le développement de la littérature sur les méta-organisations engagées sur le plan social, comme les méta-organisations de la société civile (Laurent et al., 2020), et sur le plan écologique et environnemental (Berkowitz et Bor, 2018 ; Berkowitz et al., 2020 ; Carmagnac et Carbone, 2019). De ce fait, il nous parait pertinent d’aborder et d’interroger les apports théoriques, méthodologiques et empiriques croisant à la fois le développement des collectifs d’organisation, leur positionnement à l’échelle territoriale locale et leur action envers la transition écologique et solidaire (Chabaud et Maurand-Valet, 2016).

 

Alors que la thématique de l’édition 2022 de la conférence de l’AIMS appelle à questionner « les nouvelles frontières d’un management en transition », nous souhaitons discuter du développement des collectifs d'organisations à l'échelle territoriale inscrits en faveur d’une transition écologique et solidaire. Les collectifs d’organisations, de plus en plus présents sur les territoires et prenant de multiples formes empiriques, amènent à questionner les formes d’organisation collective (méta-organisations, clusters d’innovation, tiers-lieux, réseaux territorialisés, etc.) et leur action sur, par et pour le territoire et sa transition, tant écologique que solidaire. Plus particulièrement, nous identifions plusieurs thématiques à investiguer (liste non-exhaustive et non-limitative) :

• Les formes spontanées ou institutionnalisées d’action collective inter-organisationnelle territoriale : émergence, caractéristiques, hétérogénéité ;

• Les effets du territoire et de l’échelon local sur les formes d’organisation collective, et inversement ;

• Les freins et leviers des formes d’organisation collective pour la transition écologique et solidaire ;

• Les formes d’innovations en faveur de la transition écologique et solidaire et de la transformation des territoires développées par les collectifs d’organisations ;

• Les modèles de gouvernance socialement innovants développés pour faire face aux enjeux soulevés par la transition écologique et solidaire ;

• Les méthodologies associées à l’étude des collectifs d’organisations à l’échelle territoriale, dans une perspective interdisciplinaire ou participative.

 

Tous les types de contributions permettant d’enrichir la réflexion sur ces questions seront les bienvenus (théoriques, méthodologiques et empiriques).

 

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