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Jaumier Stéphane, Vindevoghel Vincent

A ce jour, la littérature consacrée à la prise de décision dans les organisations démocratiques s’est focalisée avant tout sur leurs organes de gouvernance et processus formels. C’est vrai des études portant sur les organisations démocratiques traditionnelles telles que partis politiques, syndicats, coopératives et associations, axées sur l’activité des bureaux, conseils d’administration et assemblées générales. C’est vrai également des études portant sur les organisations apparentées à des mouvements sociaux telles que collectifs féministes et groupes d’affinité anarchistes, axées sur les processus de décision par consensus. Dans cet article, nous visons par conséquent à documenter la contribution jusqu’ici négligée de la communication informelle à la démocratie organisationnelle. Pour ce faire, nous mobilisons un cadre théorique pragmatiste – autour des notions d’enquête et de communauté d’enquête – et une méthodologie ethnographique et les appliquons à l’étude de Scopix, une coopérative de salariés caractérisée par un égalitarisme très appuyé. L’analyse des processus de décision entourant deux problématiques particulièrement sensibles pour les coopérateurs nous permet de montrer que : 1/ l’enquête est déclenchée par une atteinte perçue à l’égalité entre coopérateurs ; 2/ la progression de l’enquête passe par l’élargissement de la communauté d’enquête à l’ensemble des coopérateurs ainsi qu’à des personnes extérieures à la coopérative voire à des acteurs non-humains ; 3/ la clôture de l’enquête vient provisoirement verbaliser le rapport de forces entre les coalitions que l’enquête a fait émerger. En donnant à voir le rôle crucial joué par la communication informelle dans la prise de décision, nos résultats contribuent à offrir une compréhension de la démocratie organisationnelle plus équilibrée et fidèle à la réalité, telle qu’elle se pratique au quotidien.