Cet article s’intéresse à la question de l’ennui au travail au sein de populations de travailleurs dits « intellectuels ». A travers une généalogie des travaux sur le sujet, nous défendons l’idée que l’ennui a été majoritairement pensé comme issu de la répétitivité des tâches et de la standardisation des procédures. Nous cherchons à dépasser cette conception restrictive du phénomène à travers notre analyse de 58 entretiens de carrière réalisés auprès de consultants. Nous montrons que si ces consultants associent bien l’expérience de l’ennui à celle de la répétition et de la standardisation, leurs appétences pour certains contenus plutôt que d’autres sont très hétérogènes et qu’un même type de projet peut-être à la fois qualifié de stimulant par certains, et d’ennuyeux par d’autres. Nous discutons les implications de ce résultat sur la gestion stratégique des ressources humaines et plaidons en faveur d’une conception aspirationnelle de l’ennui comme produit d’un travail identitaire intense associé à un écart entre aspirations en matière de contenu et assignation de projets.
This paper contributes to the study of contemporary working time regimes by investigating the individual dynamics at play between resistance and conformity to a professional ideal valuing flexibility, constant availability and reactivity. Through an in-depth analysis of 10 individual cases of consultants benefitting from specific work-life balance arrangements (ranging from sabbatical leaves to teleworking or part-time work), we analyse how they navigate their atypical situation in order to avoid stigmatisation. We show that their accounts are characterised by a strong ambivalence between a discourse of resistance emphasising the uniqueness of their situation and a discourse of compliance very much in line with the dominant ideology. We propose the concept of “conforming work” to better understand how individuals handle the gap between their practices, that they perceive as counter-normative, and expectations of conformity to the norm.
