Les collectifs d’organisations rassemblent et impliquent un ensemble d’organisations différentes, tant sur le plan de leur nature (publique, privée ou hybride, à but lucratif ou non) que de leurs activités, leur degré de formalisation, la taille, le type de collectif qui les porte (Ahrne et Brunsson, 2008 ; Dobusch et Shoeneborn, 2015), ainsi que par leur inscription spatiale (Haug, 2013), territoriale (Lemoine et Delorme, 2023) et temporelle (Sydow et Braun, 2018 ; Dille et al, 2018). Centrés autour d’un problème ou d’un projet commun (Dufeu et al., 2020) favorisant des stratégies collectives inter-organisationnelles (Astley et Fombrun, 1983), ces collectifs émergent, se développent et se maintiennent par le biais de stratégies et de dispositifs de gestion (Schieb-Bienfait et al., 2021), par la mise en place de véritables écosystèmes (Adner, 2017), et peuvent parfois aller jusqu’à la création d’une structure organisationnelle distincte (Berkowitz et al., 2020). Elles permettent aux organisations de se réunir et/ou se coordonner afin de partager des ressources économiques, politiques, stratégiques mais aussi relationnelles (Dyer et Singh, 1998). Ces organisations prennent ainsi part à une action collective inter-organisationnelle, à un niveau méta, tout en permettant à chaque organisation impliquée de conserver son autonomie et son intérêt propre.
En raison de l’ampleur et de la dimension systémique des défis sociaux, écologiques, économiques et sanitaires, parfois approchés en termes de « grand challenges » (George et al., 2016 ; Howard-Grenville, 2021), les organisations sont amenées à plus de coordination, de coopération et d’action collective. On assiste ainsi à l’émergence de projets collectifs, plus respectueux des écosystèmes naturels et des êtres humains ou non humains, de formes d’organisation alternatives (Béji-Bécheur et al., 2021), parmi lesquelles les collectifs d’organisations. Ce phénomène se manifeste sur le plan empirique par une grande diversité de formes inter-organisationnelles : méta-organisations, écosystèmes, clusters d’innovation, tiers-lieux, réseaux territorialisés, pôles territoriaux de coopération économique, etc. Cela renforce l’intérêt de questionner les processus et modalités d’organisation collective.
Sur le plan théorique, ces collectifs sont considérés comme des formes plus ou moins spontanées qu’on pourrait qualifier de « méta-organisationnelles », c’est-à-dire reprenant les caractéristiques et processus d’organisations partielles (Ahrne et Brunsson, 2011 ; Berkowitz et al., 2022). En effet, diverses initiatives collectives ne se sont pas dotées d’une forme juridique ou d’une structure de gouvernance propre, telles que les clusters industriels, les réseaux, les projets collectifs de territoire, les écosystèmes d’innovation social ou les tiers-lieux (Scaillerez et Tremblay, 2017 ; Grenier, Ibrahim et Duprat, 2020). Ces « formes méta-organisationnelles » peuvent notamment constituer un point de rencontre entre organisations publiques et privées, autour d’enjeux d’innovation sociale (Favreau, 2008 ; Saniossian et al., 2022), de gestion de communs (Ostrom, 1990, Dumez & Renou, 2020) ou encore de développement économique solidaire (Ibrahim, 2018).
Plus encore que par leur forme organisationnelle, ces initiatives collectives se caractérisent aussi par la diversité des dispositifs de gestion qu’elles mobilisent (Gilbert et Raulet-Croset, 2021), indissociables de l’élaboration de règles collectives (Reynaud, 2008), et qui permettent leur émergence, leur structuration, leur développement et leur évolution.
Enfin, ces enjeux de transformation appellent à plus de réflexivité sur le plan de la recherche et de l’enseignement, notamment pour repenser la façon dont les chercheurs s’engagent pour la prise en compte de ces problématiques (Barnerjee and Arjalies, 2022 ; Morales, 2023 ; Williams et Whiteman, 2021).
Au sein de cette session thématique, nous discuterons de l’émergence, du développement ou du renouvellement des collectifs d’organisations, et notamment (mais sans exclusivité) ceux prenant part aux défis sociétaux et à la transition écologique et solidaire, entendue comme « une transformation fondamentale vers des modes de production et de consommation plus durables » (Markard, Raven et Truffer, 2012).
Plus particulièrement, nous visons à accueillir des travaux d’ordre théorique, méthodologique et empirique, autour de plusieurs thématiques, parmi lesquelles :
L’étude des processus d’émergence et de structuration des collectifs d’organisation, les dispositifs de gestion associés et leurs régulations ;
L’étude de la diversité des collectifs d’organisation et leurs formes parmi lesquelles les méta-organisations, les organisations partielles, les écosystèmes ou encore les communautés ;
Les dynamiques d’adhésion, d’engagement, de coopération et de mobilisation des parties prenantes ;
Les modèles de gouvernance et processus organisationnels innovants développés par ces collectifs pour faire face aux défis sociétaux ;
La façon dont les défis sociétaux et leur nature systémique requestionnent les relations et les modes d’interactions inter-organisationnels ;
La place, le rôle et fonctions du territoire dans ces collectifs d’organisations ;
Les méthodologies (et épistémologies ou ontologies) associées à l’étude des processus et dynamiques d’action collective inter-organisationnels ;
Les recherches ethnographiques, celles prenant en compte les intersubjectivités, les approches de recherche engagée, voire l’activisme scientifique sur la question des formes ou des dynamiques inter-organisationnelles.
Cette liste n’étant, bien sûr, ni exhaustive, ni limitative.