AIMS

ST-AIMS 09 : Innovations managériales et Grand Challenges : quelles perspectives de recherche autour des innovations managériales responsables/ durables ?

 

L’émergence de ces Grand Challenges a conduit certaines organisations à évoluer et à se transformer pour intégrer dans leur fonctionnement de nouveaux enjeux tels que l’agilité, l’intelligence collective, le sens au travail, la démocratisation, etc. Ainsi, une littérature croissante étudie la manière dont les organisations peuvent participer à la résolution des Grand Challenges (Gariel et Bartel-Radic, 2024 ; George et al., 2016) notamment à travers un large éventail des réponses organisationnelles (Battilana et Dorado, 2010 ; Berkowitz, Bucheli et Dumez, 2017 ; Ferraro, Etzion et Gehman, 2015). 

Du point de vue académique, il est toutefois étonnant que l’innovation managériale reste largement ignorée quant à sa contribution possible en réponse à ces grands enjeux. Cela paraît d’autant plus surprenant que la dimension managériale semble centrale dans la littérature sur les Grand Challenges que ce soit en termes de bonnes pratiques à adopter ou de management des acteurs (Gariel et Bartel-Radic, 2024), notamment dans les partenariats public-privé (George, Fewer, Lazzarini, McGahan et Puranam, 2024). Des auteurs montrent par exemple que les formes organisationnelles existantes sont inadaptées pour faire face aux Grand Challenges (Ferraro et al., 2015). Des appels à contributions sur les changements organisationnels nécessaires pour faire face aux Grand Challenges, notamment à travers de nouvelles formes et mécanismes, ont été lancés mais sans réel écho à ce jour (Luo, Zhang et Marquis, 2016). A travers une revue de la littérature sur les formes organisationnelles capables de faire face aux Grand Challenges, Kaufmann et Danner-Schröder (2022) identifient six différentes formes et montrent que s’attaquer aux Grand Challenges commence par les collectifs et par une certaine culture de la protestation. 

De plus, l’un des huit Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies (George et al., 2016), le « travail décent et la croissance économique », est particulièrement d’actualité. Les expérimentations d’innovations managériales visant à remettre l’humain au centre de l’entreprise (e.g. semaine de 4 jours, le télétravail) se sont ainsi intensifiées (Campbell, 2023 ; Ferrara, Pansini, De Vincenzi, Buonomo et Benevene, 2022). C’est également le cas des organisations dites “libérées” ou des “self-managing organisations” dans lesquelles la prise de décision est décentralisée et l’autonomie des salariés mise au premier plan (Battistelli, 2021 ; Gilbert, Raulet-Croset et Teglborg, 2017 ; Lee et Edmondson, 2017). Ces dernières seraient mieux adaptées pour relever les Grand Challenges que les bureaucraties traditionnelles (Bres, Raufflet et Boghossian, 2018). 

Une réflexion plus poussée sur les innovations managériales et formes organisationnelles à l’aune des Grand Challenges pourrait donc ouvrir de riches perspectives de recherche. En effet, l’innovation managériale est généralement définie comme une innovation non technologique de procédés comprenant les pratiques, outils, procédés, techniques, structures organisationnels et managériaux, nouveaux (pour l’entreprise qui les génère ou les adopte) et destinés à améliorer l’efficacité et l’efficience de l’organisation (Birkinshaw, Hamel et Mol, 2008 ; Damanpour et Aravind, 2012 ; Dubouloz, 2013). Ce nouveau prisme de lecture pourrait ainsi inviter à étudier les résultats d’innovations managériales plus responsables ou durables, mais aussi les changements inhérents à la manière dont elles sont exploitées et aux processus visant à les développer, comme cela a été fait pour les innovations technologiques et l’innovation ouverte (Adams, Jeanrenaud, Bessant, Denyer et Overy, 2016 ; Ahn, Roijakkers, Fini et Mortara, 2019). 

Plus particulièrement, cette ST-AIMS a pour ambition d’accueillir des travaux d’ordre théorique, méthodologique et empirique, autour de plusieurs thématiques, parmi lesquelles :

Innovations managériales responsables/durables

Une innovation managériale peut-elle être durable ou responsable au même titre qu’une innovation technologique (Adams et al., 2013) ? Si tel est le cas, comment les définir et les identifier ? Une approche par les Grand Challenges est-elle souhaitable malgré le flou et l’effet de mode qui entourent ce concept (Gariel et Bartel-Radic, 2024) ? Ne s’agit-il pas d’une nouvelle mode managériale (Abrahamson, 1996 ; Carton, Parigot et Roulet, 2024) ?

Dans une perspective éthique et normative, toute innovation managériale ne devrait-elle pas être responsable (Pavie, 2020) ?

Si plusieurs innovations managériales intègrent une dimension humaniste telle que l’entreprise libérée (Gilbert, Raulet-Croset et Teglborg, 2021 ; Mattelin-Pierrard, Bocquet et Dubouloz, 2020), pourrait-on envisager des innovations managériales posthumanistes ou transhumanistes (Gherardi et Laasch, 2022) ?

 

Des innovations managériales pour contribuer aux Grand Challenges

Quelle(s) innovation(s) managériale(s) adopter en réponse aux différents Grand Challenges ? Plusieurs études mettent en évidence la difficulté des entreprises à agir concrètement et efficacement malgré la prise de conscience quant aux menaces liées au changement climatique notamment, mais aussi quant à leur responsabilité dans son origine et sa résolution (e.g., Wright et Nyberg, 2017).

Les innovations managériales et nouvelles formes organisationnelles peuvent-elles réellement contribuer aux Grand Challenges (Berkowitz, Bocquet, Delacour & Demil, 2024) ? Comment évaluer leur contribution effective ? 

Quelles cadres théoriques et quelles méthodologies mobiliser pour capter les dynamiques et effets multiniveaux (Dittrich, 2022) ? 

 

Adoption des innovations managériales responsables/ durables

Dans un contexte organisationnel contraint par des objectifs économiques, souvent à court terme, l’adoption de l’innovation managériale résulte-t-elle d’une décision stratégique ou passe-t-elle dans un premier temps par une volonté individuelle d’acteur(s) isolé(s) dans l’organisation ou de rencontres (Mercier-Roy et Mailhot, 2024) ? Autrement dit, dans un cadre trop contraignant pour l’innovation, des acteurs empreints de convictions fortes et d’une capacité de protestation, voire de résistance, peuvent-ils décider d’adopter des innovations managériales de manière clandestine, sans l’accord et le soutien de leur direction (Joffre et Loilier, 2012) ? 

Quel est le profil des dirigeants qui choisissent de se lancer dans une telle transformation ? Avec quels objectifs et pour quelle(s) performance(s) in fine (Arnaud, Bardon et Letierce, 2019) ? L’Upper Echelons Theory pourrait-elle constituer un cadre théorique complet et pertinent (Hambrick et Mason, 1984) ?

 

>> Télécharger