En tant qu’engagement dans l’action orienté par le développement des capacités à agir des générations futures, le développement durable constitue un des principaux champs des pratiques d’anticipation des organisations. Dans une perspective de strategy-as-practice (Whittington, 1996, Rouleau, 2013, Langlay, 2015) le ST-AIMS « Pratiques d’anticipation et développement durable » propose de questionner de manière critique la place du futur, du temps long et de son anticipation dans les pratiques de développement durable des organisations, qu’elles soient publiques ou privées.
En tant que pratique d’anticipation, le développement durable s’inscrit dans le temps long, la transformation et l’élaboration de stratégies collectives. Ainsi, le rapport Bruntland (1987), « Notre avenir à tous » (Our common future), avait pour objectif de « proposer des stratégies à long terme en matière d’environnement pour assurer un développement durable d’ici l’an 2000 et au-delà ». Se plaçant dans une perspective de transformation, les objectifs de développement durable de l’Organisations des Nations Unies invitent depuis chacun, et chaque organisation, à agir au regard de l’horizon 2030 dans le cadre d’un « plan directeur pour une prospérité partagée dans un monde durable, où toutes les personnes peuvent avoir une vie productive, dynamique et pacifique sur une planète en bonne santé » (Guttierez, 2019).
Idéologie ? Utopie ? Injonction normative ? Principe d’action et d’organisation ? Nécessité pour faire face aux enjeux environnementaux ? Le développement durable, outre sa dimension temporelle et environnementale, contient d’abord une dimension sociétale qui fait de la durabilité (sustainability) un des concepts à la fois les plus universels, les plus utilisés dans la littérature politique et stratégique, et aussi les plus difficiles à appréhender (Øverland, 2022). Pour les organisations, la durabilité est faite de principes mais aussi de trajectoires et de transitions (Snellman, Fink, Hakala et Bor, 2023, Kishita, Höjer et Quist, 2024), en particulier technologiques et scientifiques (Miedzinskia, McDowall, Fahnestock, Rataja et Papachristos, 2022) dans lesquelles elles s’engagent avec leurs parties prenantes pour imaginer leur transformation vers des futurs durables (Riedy and Waddowk, 2022). Inclusion des parties prenantes (Andersen, Hansen, Selin, 2021) et engagement dans l’adaptation au changement climatique (Cairns, Ahmed, Mullett, Wright, 2012, Roubelat et Marchais-Roubelat, 2021) sont ainsi devenus autant d’enjeux pour les pratiques d’anticipation s’adressant aux problématiques de développement.
Poursuivant les réflexions du GT sur les pratiques d’anticipation vues comme processus de développement de capacités (Poli, 2015), la session thématique « Pratiques d’anticipation et développement durable » s’inscrit dans le courant de recherche de l’anticipation des transformations par les organisations et les parties prenantes des processus de décision et d’action. Tout autant que les organisations, les praticiens de la stratégie apparaissent ainsi comme des acteurs du futur, mêlant anticipation, créativité, innovation et management stratégique. Au côté des travaux centrés sur le développement d’outils d’anticipation, les recherches sur ces processus d’anticipation constituent un domaine à part entière interrogeant le fonctionnement et les dysfonctionnements de ces pratiques, ainsi que leur intérêt pour les organisations (Rohrbeck et Kum, 2018).
Les théories et les pratiques organisationnelles questionnent la problématique de la gestion d’un inattendu qui n’aurait pas été anticipé (Weick et Sutcliffe, 2007), les processus d’élaboration de stratégies se trouvant à l’origine de paradoxes qui conduisent les organisations à rechercher la conformité tout en incitant les individus à la créativité (Wright and Cairns, 2011). Les progrès théoriques et empiriques du champ des recherches en anticipation ont permis de mieux comprendre les processus d’anticipation et d’engagement des organisations et des communautés (Osborne, Mayo et Bussey, 2021). Ces organisations et communautés, mais aussi les individus qui les composent, sont susceptibles de développer des comportements émergents, surprenants et imprévisibles, des scénarios multiples en perpétuelle transformation, dont les enjeux constituent autant de pistes de recherche pour l’analyse des pratiques et théories d’anticipation (Fuller, 2018).
L’émergence de stratégies et de comportements innovants n’est pas sans conséquences pour les paradigmes stratégiques des organisations, que l’anticipation conduit à remettre en question de différentes manières (Wayland, 2019). Recourir à l’imagination, à la créativité (Brassett et O’Reilly, 2021) et à l’exploration de futurs multiples a pour objectif de permettre une meilleure appréhension de l’environnement organisationnel à travers autant de perspectives conceptuelles et théoriques différentes et, partant, de percevoir et de faire sens de configurations nouvelles, porteuses de nouveaux paradigmes. Derrière les méthodologies, tels les scénarios, qui sous-tendent certaines pratiques d’anticipation, ce sont les processus de transition et de transformation des organisations qu’il s’agit d’explorer, ainsi que leurs impacts à long terme.
Sous l’angle des liens entre anticipation et développement durable, les soumissions pourront en particulier s’inscrire dans les thématiques suivantes (liste non limitative) :
créativité et anticipation,
responsabilité des organisations et anticipation,
capacités stratégiques et anticipation,
temporalité des processus d’anticipation,
temps et processus stratégiques,
anticipation et fabrique de la stratégie,
transformation, transitions et changements de paradigmes,
entrepreneuriat et anticipation,
anticipation et gestion stratégique des risques et des vulnérabilités,
conception, mise en œuvre et diffusion des méthodes d’anticipation,
anticipation et discours stratégiques,
interaction entre parties prenantes dans les processus d’anticipation,
management de communautés et anticipation.