Le GT Risque, Incertitude et Management (RIM) s’intéresse aux risques et incertitudes que vont devoir affronter les organisations face aux enjeux majeurs, présents et futurs. La volonté est d’inclure dans la réflexion une grande variété d’organisations et de secteurs d’activité et de ne pas se limiter aux secteurs identifiés comme « à haute fiabilité » (Roberts, 1990 ; Clarke & Short Jr, 1993) ou « extrême » (Hällgren et al., 2018).
Au croisement des interrogations du GT RIM et du thème de la XXXIVème conférence, centré sur le management des ressources, nous souhaitons questionner la capacité des organisations à anticiper, faire face et s’adapter à des situations de tensions majeures sur les ressources, quelle que soit leur nature (naturelles, humaines, financières, matérielles, immatérielles, etc.). Cette session thématique invite à éclairer les transformations subies ou engagées par des organisations dans un contexte où une ressource-clé se retrouve compromise. Ces contextes de tension sur les ressources sont multiples et de natures variées.
Cette ST-AIMS s’inscrit dans un contexte où la fragilisation des écosystèmes naturels conduit de nombreux scientifiques à alerter sur le risque d’effondrement des ressources puisées par les humains (Rocktröm et al., 2008). Qu’il s’agisse de mitiger ce risque en déviant la trajectoire, ou de se préparer à vivre dans un environnement affaibli en ressources, les organisations vont devoir trouver des voies stratégiques à toutes les échelles, dont les fondements (efficacité vs. sobriété, croissance vs. décroissance…) font controverse (Acquier et al., 2024). En parallèle, l’explosion de l’intelligence artificielle (IA) génère autant de promesses de capacités augmentées que de menace de vulnérabilité accrue pour les organisations. Il s’agit alors de questionner le rôle de l’IA en tant que ressource et ses interactions avec les autres ressources – notamment humaines – dans une organisation.
Nous souhaitons par exemple nourrir la discussion sur l’avenir des chaînes de valeur – notamment d’approvisionnement –, mais également sur les récits et imaginaires collectifs qui se (re)construisent autour de ces ressources en tensions. Nous invitons les questionnements autour des modalités d’action collective organisée face à des «crises» de ressources : pénuries, conflits géopolitiques, rupture brutale d’activité… Ces crises sont-elles propices à une action plus coordonnée et solidaire pour gérer les ressources en tant que commun, ou conduisent-elles à une escalade de logiques individualistes et compétitives d’accaparement des ressources ? Quels nouveaux rôles et nouvelles modalités de coordination et de coopération imaginer pour faire face à ces défis ?
Nous invitons les travaux explorant ces questions sous des angles et courants théoriques variés, pour apporter des éclairages sur les conditions de résilience des organisations, à l’égard des mutations majeures que subissent les ressources dont elles dépendent. Notamment, les communications ne s’ancrant pas explicitement dans le champ théorique lié à la résilience sont également bienvenues.
Axe 1. Se réorganiser face à la rareté et la pénurie de ressources : Alors que le rythme alarmant de l’épuisement des ressources naturelles essentielles (eau, terres arables, minéraux…) pousse à la recherche de technologies et de modes de production innovants et plus durables, il interroge avant tout nos modes de vie et nos systèmes d’organisation à toutes les échelles (Aggeri, 2020). Les logiques d’optimisation, d’efficacité ou encore de frugalité – déjà largement diffusées – visent à « faire mieux avec moins » (Guillard, 2019), certains académiques invitent plus radicalement à penser des stratégies de renoncement (Monnin, 2023). Cette capacité à « faire sans » pourrait se révéler un levier de résilience temporaire pour faire face à des situations ponctuelles, telles que des ruptures de chaîne d’approvisionnement (Armani et al., 2020). Elle serait aussi le fondement d’un mode de vie plus sobre, permettant de garder, à grande échelle, une Terre « habitable », tout en répondant aux besoins « essentiels » ou « fondamentaux » (Raworth, 2018), si tant est que l’on puisse s’accorder sur leur définition. Enfin, si la reconnaissance de la rareté de la ressource n’est pas un concept nouveau en stratégie, questionner le statut des ressources dites « naturelles » (e.g. peut-on les considérer comme des parties prenantes ?) peut constituer une piste pour entrevoir des rapports moins extractivistes et plus coopératifs avec l’habitat naturel. Cet axe invite ainsi les communications traitant notamment des questions suivantes (non-exhaustives) : · Comment intégrer les fortes incertitudes liées à la disponibilité instable ou décroissante des ressources (naturelles, financières, humaines…) ?
· Comment mieux appréhender les risques liés aux chaînes d’approvisionnement ?
· La sobriété peut-elle constituer une voie de résilience pour les organisations ?
· Comment apprendre collectivement à faire « sans » ?
· Comment les organisations peuvent-elles réinterroger et réinterpréter les notions de besoin « essentiel » ou « fondamental » ? À quelles échelles ces réflexions ont-elles du sens ?
· Repenser la notion même de «ressource» naturelle et son statut peut-il ouvrir la voie à des rapports plus coopératifs et résilients, entre les organisations et leur milieu naturel ?
Axe 2. Capacités humaines augmentées… capacités humaines menacées à l’ère de IA :
Alors que les algorithmes d’intelligence artificielle se diffusent et s’immiscent dans de nombreux aspects de la société et des organisations (Brynjolfsson & McAfee, 2014), leur opacité et leurs effets incertains suscitent de vives controverses. Si les gains de temps et de productivité, ainsi que l’ouverture d’un large champ des «possibles», sont parfois vantés, certaines voix s’élèvent pour mettre en garde sur des conséquences plus ou moins désirables socialement (e.g. Vesa & Tienari, 2022 ; Martin, 2019 ; af Malmborg, 2022). La « boîte noire » que constitue l’IA sème le doute quant à la capacité des organisations sous perfusion algorithmique à prendre des décisions éthiques et éclairées (Vuarin & Steyer, 2023). Les gains de temps et la facilité d’accès à certains savoirs et savoir-faire, permis par des outils tels que ChatGPT, semblent aussi bien source de bénéfices (gains d’efficacité, de productivité) que de menaces pour certains métiers et compétences. Ainsi, cet axe interroge le rôle ambigu de l’IA vis-à-vis des capacités de résilience individuelle et organisationnelle :
· En quoi l’IA et l’ère et de la « numérisation de presque tout » de la société déstabilisent-elles les organisations ?
· L’IA amène-t-elle à repenser leur gestion des ressources humaines et immatérielles ?
· Quelle place pour les « ressources humaines » dans la résilience des systèmes intégrant l’IA ?
· Quels nouveaux risques l’IA génère-t-elle lorsqu’elle est intégrée en tant que ressource organisationnelle ?
Axe 3. La résilience du et par le slack organisationnel
La présence de slack – des ressources potentiellement utilisables qui peuvent être détournées ou redéployées, plus ou moins rapidement, en vue d’atteindre les objectifs de l’organisation (George, 2005 ; Mount et al., 2024) – constitue un moyen, parmi d’autres, d’assurer la résilience de ces organisations (Vogus & Sutcliffe, 2007). S’il est couramment admis, notamment dans les industries à risque, que la fiabilité et la résilience sont des objectifs supérieurs à d’autres objectifs, tels que la performance financière (Bigley & Roberts, 2001), les études sur ce point révèlent une réalité plus contrastée. En effet, des contextes de réduction de coûts ou de recherche de rentabilité viennent mettre en tension ces objectifs prioritaires de fiabilité et de résilience (Starbuck & Farjoun, 2005). Cette tension se retrouve sur la question de la disponibilité de slack pour faire face à des situations extrêmes, et les pratiques nécessaires à la conservation d’un slack suffisant (Leuridan & Demil, 2022). Sur ces différents points, plusieurs questions peuvent orienter les contributions :
· Comment disposer de ressources excédentaires potentiellement utilisables (slack) et les conserver dans le temps ?
· Quelles tensions existent entre l’atteinte d’une résilience et les ressources nécessaires à la poursuite de cet objectif (par exemple, face à des objectifs de rentabilité à court terme) ?
· Comment générer et gérer un slack dans les chaînes d’approvisionnement ?
Axe 4. Gérer collectivement les ressources face aux crises :
À l’heure où les crises sont multiples – qu’elles soient de nature politiques, technologiques ou écologiques – les organisations sont contraintes de mobiliser multiples ressources et capacités pour mieux les anticiper et/ou y répondre (Christensen et al., 2016). La nature systémique des crises ainsi que la gestion d’événements et catastrophes à grande ampleur poussent également chercheurs comme praticiens à questionner différents niveaux d’analyses (e.g. catastrophe transfrontalière ou internationale, crise inter-organisationnelle) (Ansell et al., 2010). Dans ces situations, le collectif mobilisé dans la réponse à la crise dépasse ainsi souvent les frontières organisationnelles et nationales. En parallèle, les ressources nécessaires pour faire face à la situation impliquent davantage de coordination (Majchrzak et al., 2007), d’improvisation (Adrot & Garreau, 2010) et d’adaptation (Schakel & Wolbers, 2021). Cela soulève un certain nombre de questions qui peuvent possiblement orienter les communications :
· Comment gérer collectivement une ressource en situation de crise (« communs », économie ouverte, open data, etc.) ?
· Quelles capacités collectives développer pour « mieux » gérer les ressources en crise et les crises liées aux ressources (à l’échelle d’un territoire, d’une chaîne de valeur…) ?
· Comment coordonner différentes ressources nécessaires pour répondre à une crise ou un événement de grande ampleur ?
Contributions attendues
Cette ST-AIMS invite les communications apportant des contributions théoriques, empiriques ou méthodologiques, explorant la thématique de la résilience et des tensions sur les ressources, sous des angles et courants théoriques variés. Notamment, les communications ne s’ancrant pas directement dans le champ théorique de la « résilience » seront tout à fait bienvenues.