Dans les années 1990-2000, le champ de la sidérurgie est parvenu à maintenir une autonomie institutionnelle conséquente alors même qu’elle rencontrait de fortes difficultés économiques. Nous tentons d’expliquer ce paradoxe en montrant comment les acteurs institutionnels de la sidérurgie se sont saisis d’une innovation sociale conçue à l’intérieur de leur champ afin de maintenir les frontières de ce dernier. En mobilisant une approche institutionnaliste, nos résultats suggèrent que cette innovation, appelée « démarche compétence », a permis de maintenir un compromis entre logique sociale et logique de marché au sein du champ (flexibilité de la main d’œuvre contre garantie d’employabilité), instaurant ainsi des modes de gestion de la main d’œuvre à la fois perçues comme innovants et identifiés spécifiques au champ. L’innovation sociale peut ainsi être vue comme une forme de travail institutionnel agissant comme un mécanisme de défense face à d’autres champs rivaux conduits par des idéologies différentes. Aussi, elle peut constituer pour les organisations un moyen de combler le vide institutionnel causé par le retrait des pouvoirs publics au sein du champ.