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Ben larbi Sami, Lacroux Alain, Luu Philippe

La performance sociétale des entreprises (PSE), qui peut être envisagée comme une traduction mesurable des principes de la RSE dans le management des entreprises suscite aujourd’hui un nombre important de recherches consacrées à ses déterminants et sa mesure. La diffusion de plus en plus large du concept de PSE au niveau international a notamment engendré un courant de recherche inspiré par l’analyse institutionnelle comparée (Doh et Guay, 2006), qui s’intéresse aux performances des différents modèles de capitalisme en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) dans une optique comparative. Les approches néo-institutionnelles mobilisées dans ces analyses comparatives permettent d’expliquer les différences entre modèles de capitalisme, au niveau macro-économique. Toutefois, elles sont moins efficaces lorsqu’il s’agit de mettre à jour les mécanismes de différenciation aux niveaux méso et micro économiques, à l’intérieur d’un modèle donné. Les approches du courant des ressources stratégiques (resource-based theory), qui éclairent les choix réalisés au niveau des firmes, fournissent selon nous un cadre d’analyse complémentaire à ces niveaux d’analyse. L’objectif de cette recherche est donc de développer, dans un cadre conceptuel articulant approches néo-institutionnelles et théorie des ressources stratégiques, une compréhension plus fine des « leviers » ESG qui permettent d’obtenir un niveau de performance de référence (opérationnalisé par l’appartenance au groupe des meilleures entreprises ou best in class) dans chacun des modèles de capitalisme au sens d’Amable (2005). Pour chaque modèle de capitalisme, nous cherchons à isoler les domaines ESG les plus discriminants, sur lesquels les responsables d’entreprises auraient un intérêt stratégique à investir afin de rejoindre le groupe de référence et gagner ainsi en légitimité vis-à-vis de leurs concurrents appartenant au même modèle. Notre méthodologie s’articule en trois phases : après avoir segmenté l’échantillon en deux groupes (les best in class et les autres entreprises), nous avons estimé des modèles de régression logistique prédictifs de l’appartenance à la best in class sur chaque modèle de capitalisme envisagés successivement. Nous avons ensuite effectué des simulations permettant d’analyser les impacts des progrès effectués dans un domaine ESG particulier sur les chances de rejoindre le groupe de référence (best in class). Nos résultats, obtenus sur un échantillon de 2452 entreprises extraites de la base Vigeo Eiris sur une période de 16 ans (1999-2015), montrent que les leviers de performance ESG diffèrent bien selon les modèles de capitalisme : certains de ces leviers ont un effet multiplicateur plus important en fonction du modèle considéré, ce qui devrait fournir aux firmes des incitation plus fortes à développer des stratégies proactives pour améliorer leur performance sociétale sur les critères permettant d’actionner les leviers les plus « rentables ».