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Dalmasso Cédric, Gand Sébastien, Garcias Frédéric

De nombreuses entreprises se sont dotées récemment de réseaux sociaux d’entreprise, outils reprenant les fonctionnalités offertes par Facebook mais dans des périmètres d’usagers clôturés. Au delà de l’achat de ces outils par les entreprises, leurs usages restent sujets à caution alors que de nombreux autres outils de communication existent déjà et que le caractère a-hiérarchique des réseaux sociaux d’entreprise semble freiner un fort engagement des hiérarchies managériales à leur usage. Dans cette communication, nous étudions l’exploration d’un usage possible des réseaux sociaux d’entreprise : leur mise au service de processus “distribués” et “participatifs” d’innovation de rupture. L’enjeu d’un tel usage serait d’arriver à concilier ce qui apparaissait jusqu’ici plutôt antagoniste : d’un côté des processus d’innovation de rupture décentralisés ou distribués mais peu pilotés et de l’autre des processus pilotés et structurés mais relativement isolés au sein de l’organisation. La théorie de l’ambidextrie organisationnelle est un cadre qui cherche à rendre compte de la nécessité d’organiser le couple d’actions en tension exploration / exploitation. Il a été proposé deux grandes réponses organisationnelles : une ambidextrie structurelle, qui isole les entités dédiées à l’exploration, et l’ambidextrie contextuelle, qui vise à concilier dans les tâches des individus leur contribution à l’exploitation et à l’exploration. Une des difficultés de cette dernière est d’arriver à faire participer un grand nombre d’acteurs dans des contextes souvent contraints et tirés au quotidien par l’exploitation. Dès lors, l’usage de réseaux sociaux d’entreprise pour la conduite de processus d’innovation de rupture a-t-il ainsi la faculté de faciliter la création d’ “espaces” pour l’exploration dans des contextes très contraints ? En d’autre termes de rendre possible l’ambidextrie contextuelle ? Les auteurs de l’article ont pu observer l’expérimentation d’un “challenge innovation” intégralement en ligne au sein d’une grande entreprise du secteur pétrolier, historiquement organisée autour de projets d’exploitation de technologies éprouvées, mais qui s’interroge sur sa capacité à générer de nouvelles ruptures technologiques. Nous proposons ici, sous la forme d’une étude de cas, une analyse de cette expérimentation, s’appuyant sur un dispositif de suivi multipliant les points de vue et les sources de données. Les résultats mettent en exergue les points suivants : le réseau social ouvre un “espace” offrant un terrain de jeu à des profils innovateurs que le dispositif permet également de repérer ; le challenge a peiné à s’élargir au-delà de ce noyau dur de “passionnés”, mais a contribué à toucher un public plus large de “lecteurs” silencieux et passifs, ce qui induit que les effets de ce type de dispositif ne se limitent pas à la participation active ; le manque de temps et d’implication des managers a constitué un frein majeur à l’élargissement au-delà d’un “noyau dur” ; il a enfin nécessité un travail intensif et multiforme de pilotage. Les implications de cette expérimentation pour la littérature sur les processus d’innovation et l’ambidextrie organisationnelle sont ensuite tirées.