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Fel Fabienne, Griette Eric

De nombreuses entreprises occidentales font aujourd’hui le choix de relocaliser leurs approvisionnements chinois vers des zones géographiquement plus proches. Si ce phénomène fait l’objet de nombreuses communications dans la presse, les recherches académiques, portant notamment sur les raisons qui poussent les entreprises à ce choix, restent relativement rares. De plus, les recherches existantes divergent quant à l’importance respective des raisons qui peuvent prévaloir à ces choix, à savoir la correction de la décision initiale, considérée a posteriori comme une erreur stratégique, l’évolution des conditions commerciales avec la Chine, ou encore la volonté d’améliorer la réactivité en termes d’innovation. Pour tenter de combler cette lacune, nous avons réalisé une étude auprès de 270 entreprises occidentales, très majoritairement Françaises, dont les trois-quarts approvisionnent des produits manufacturés depuis la Chine. Parmi ces dernières sociétés, plus de la moitié ont rapproché récemment tout ou partie de leurs approvisionnements chinois, et nous montrons que ce phénomène s’accélère. L’analyse des motivations de ces entreprises fait apparaître que la première cause de rapprochement des approvisionnements (à 53%) est l’évolution des conditions commerciales avec la Chine, en raison de l’effet conjugué de la hausse des salaires chinois et de la chute de l’Euro face au Dollar. La deuxième raison (à 33%) est le changement de stratégie des entreprises, en particulier de celles qui souhaitent monter en gamme, ou adopter une stratégie RSE. Au terme de notre recherche, seules 14% des sociétés qui rapprochent leurs approvisionnements chinois le font pour corriger une erreur stratégique initiale. Au-delà de cette lecture univariée des motivations des sociétés, nous avons ensuite réalisé une classification hiérarchique des entreprises en fonction de leurs motivations, et identifié 5 classes différentes d’entreprises : les « cost killers » (23% de l’échantillon), qui ne rapprochent leurs approvisionnements que pour des raisons de coûts. Les « réalistes » (50% de l’échantillon au total), qui, constatant la hausse des coûts Chinois, se détournent de ce pays pour trouver des fournisseurs qui leur assurent pour le même coût une plus grande satisfaction sur le plan de la qualité au sens large. Parmi eux, 28% représentent les « réalistes en recherche de qualité des produits et de fournisseurs plus respectueux de la propriété intellectuelles et de la RSE», quand le second sous-groupe (22%) regroupe les « réalistes en recherche de réactivité ». Enfin, les deux derniers groupes (13% chacun de l’échantillon), que nous qualifions de « volontaristes », sont constitués d’entreprises beaucoup plus préoccupées que la moyenne par la qualité (au sens large) de leurs approvisionnements, et beaucoup moins par la hausse des coûts Chinois. Nous montrons que les entreprises du premier sous-groupe sont préoccupées par la qualité des produits et la recherche de fournisseurs respectueux de la RSE et de la propriété industrielle, quand celles du second sous-groupe sont davantage en recherche de réactivité. Ainsi, la réduction du différentiel de coût entre produits Chinois et produits fabriqués dans des zones géographiques plus proches, surtout dans la perspective de la continuité de la chute de l’Euro face au dollar, ne va plus obliger les entreprises à choisir entre des produits fabriqués en Chine à bas coût et des produits plus chers, mais plus proches. A prix d’acquisition équivalent, le choix s’élargit donc pour les managers.