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Allemand Isabelle, Brullebaut Bénédicte

Les réseaux constituent un sujet d'étude depuis des années pour la sociologie et la stratégie et plus récemment pour la gouvernance. Les grandes entreprises ont longtemps partagé les membres de leurs conseils d'administration, créant des réseaux denses souvent verrouillés, que ce soit aux États-Unis, en France ou encore en Allemagne. Un cercle restreint de personnes concentrerait l'essentiel des mandats d'administrateurs. La situation est variable selon les pays, le Royaume-Uni par exemple étant le pays avec la plus faible densité de réseau dans les travaux de Van Veen et Kratzer (2011). Il semble que les choses évoluent. L'étude de Chu et Davis (2016) montre que les pratiques ont changé aux États-Unis : les connexions entre sociétés ont diminué, les élites sont moins représentées dans les conseils d'administration et l'interconnexion d'un candidat n'est plus un critère majeur de recrutement. L'objectif de l'article est d'analyser et de comparer la structure et l'évolution des réseaux d'administrateurs en France au sein du CAC40 et du SBF120 sur une période récente : 2006 à 2015. Il s'agit de proposer une vision actualisée des réseaux d'administrateurs en France et d'étudier si les comportements ont évolué au cours des dix dernières années. L'analyse des réseaux est effectuée au niveau des sociétés. L'article présente les différentes approches théoriques ayant contribué à l'analyse de la notion de réseaux : en sociologie, en stratégie et en gouvernance, puis une synthèse des études menées sur les caractéristiques des réseaux dans différents pays européens et aux États-Unis. Deux conclusions ressortent de l'étude. Premièrement, la situation en nombre de liens a évolué à la baisse sur la période 2006 à 2015 aussi bien pour les sociétés du CAC40 que celles du SBF120. La densité des réseaux d'administrateurs a diminué sur la période étudiée et est faible aujourd'hui, même si celle des sociétés du CAC40 est deux fois plus élevée que celle des sociétés du SBF120. Deuxièmement, la structure des réseaux n'est pas la même pour les sociétés des deux indices et elle a évolué différemment. La centralisation du réseau des sociétés du SBF120 est marquée par la montée de la centralité de 8 entreprises. La centralisation du réseau des sociétés du CAC40 est plus élevée que celle du SBF120 mais elle baissé sur la période du fait de la diminution du nombre d'entreprises les plus centrales (9 à 12 liens). Le noyau dur s'est donc réduit mais subsiste pour les sociétés du CAC40. L'impact des lois Copé Zimmermann et Macron est discuté comme explication à l'évolution des réseaux. Plusieurs ouvertures sont proposées : étudier les autres types de relations interentreprises (réseaux écoles, clubs, etc.) afin de comprendre s'ils se sont substitués aux réseaux d'administrateurs multi-mandats, ou encore analyser l'influence des réseaux sur l'innovation, la nouvelle configuration de liens faibles étant selon Granovetter (1973) favorable à son développement.