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Peze Stéphan, Theron Christelle

Les travaux du courant strategy as practice se sont développés depuis la fin des années 1990. Au cœur de cette approche se trouve explicitement la notion d’épisodes stratégiques proposée en 2003 par Hendry et Seidl à partir des travaux de Luhmann sur les systèmes sociaux. Un épisode stratégique est un moment particulier où les acteurs de l’organisation suspendent leurs routines opérationnelles pour s’engager dans une activité stratégique. Les épisodes comme lieu privilégié de strategizing produisent ainsi une vision épisodique de la fabrication de la stratégie. Dans ce papier, nous proposons d’interroger cette vision et notamment ce qu’elle ne permet pas de saisir. A partir des travaux théoriques et empiriques disponibles, nous identifions les apports et limites de la notion d’épisode stratégique : si elle est utile pour appréhender le strategizing collectif, formel et délibéré, son format actuel rend difficile l’étude du travail stratégique individuel, informel et émergent. Pour représenter de façon plus complète la façon dont la stratégie est effectivement fabriquée au sein des organisations, nous proposons d’assouplir les critères permettant d’identifier les épisodes stratégiques et de les inscrire au sein d’un questionnement plus global autour des épreuves stratégiques. Ces épreuves stratégiques sont les défis qui engagent la survie de l’organisation et sa capacité à générer et à capter de la valeur, à créer et/ou maintenir un avantage concurrentiel. Elles donnent naissance à des séquences de strategizing composées d’épisodes de diverse nature et qui permettent l’affrontement-résolution des épreuves. L’identification et l’analyse des épreuves stratégiques permettent ainsi d’étudier des séquences de strategizing en incluant toute une gamme d’épisodes au sens large et qui permettent de sortir de l’ombre des moments clés de fabrique de la stratégie non appréhendables comme tels si l’on s’en tient la définition stricte des épisodes de Hendry et Seidl (2003). Une implication de ce papier est de repenser le processus stratégique non uniquement comme flux d’un ongoing strategizing mais comme gestion d’un flux d’épreuves stratégiques qui ponctuent et structurent ce processus.