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ST-AIMS 06 : Innovation et organisations au cœur des mutations du système alimentaire

 Les mutations du système alimentaire, entendu comme l’ensemble des acteurs de la production, de la transformation et de la distribution de produits ou de services alimentaires, suscitent un intérêt grandissant aussi bien dans le champ de la recherche que dans la société civile ou dans les débats français et européens de politiques publiques (Stratégie EU Horizon 2020). La modernisation de l’après-guerre autour de l’industrie agroalimentaire et de l’agriculture a certes permis de nourrir le monde, mais a conduit aussi à dissocier fortement agriculture et alimentation, producteurs et consommateurs, lieux de production et lieux de consommation, modes de production et préservation de l’environnement (Moore, 2015). Ces dissociations sont interrogées aujourd’hui à la suite de scandales alimentaires (Labatut, Munro, et Desmond 2016) mettant en cause la qualité et la traçabilité des produits, des rapports de forces inégaux, des modes d’organisation du travail engendrant une perte de sens pour certaines professions (dans les abattoirs, dans l’agriculture, dans l’élevage, etc.), des difficultés à comprendre la formation des prix. Face à ces multiples interrogations, les pouvoirs publics, les citoyens et les acteurs de l’agro-alimentaire se positionnent individuellement ou collectivement pour repenser le système alimentaire à partir de nouvelles formes organisationnelles, de pratiques innovantes et responsables (Busch, 2010).


La ST-AIMS de 2018 « les mutations du système alimentaire au prisme du management » est alors renouvelée pour renforcer l’engagement de la recherche francophone et ses contributions aux problématiques managériales et organisationnelles rencontrées par les acteurs du système alimentaire. Si les transformations du système alimentaire et la mise en place d’alternatives aux pratiques mondialisées et industrialisées ont été explorées au prisme des évolutions macroéconomiques et sociopolitiques (Deverre et Lamine 2010), les sciences de gestion ont un rôle important à jouer pour éclairer les problématiques organisationnelles, gouvernementales et stratégiques qui accompagnent ces mutations

Ces mutations s’accompagnent en effet du renouvellement des acteurs et formes organisationnelles. Les AMAP ont fait partie des premières alternatives positionnées en rupture du système marchand (Lanciano & Saleilles, 2011), puis d’autres organisations hybrides (Battilana et Dorado 2010) ont émergé plus récemment comme les supermarchés coopératifs (Acquier et Ouahab, 2016) ou la Ruche Qui Dit Oui! qui cherchent à concilier objectifs économiques et pratiques alimentaires nouvelles. Le système alimentaire est donc une scène particulièrement propice au développement d’organisations alternatives (Parker et al., 2007) et de controverses. Toutes ces innovations, si elles interrogent voire remettent en cause les pratiques actuelles, n’ont pas encore transformé radicalement le système alimentaire et doivent coexister avec les modèles dominants (Levy & al., 2016).

Les acteurs classiques de la filière doivent eux-aussi se réinventer. Par exemple, les distributeurs B2B en fruits et légumes sont parvenus à reconstruire leur rôle d’intermédiaire dans les années 2000, pour rester co-créateur de la valeur dans la distribution, malgré l’intégration de leur activité par les centrales d’achats de la grande distribution (Michel et al. 2018). Pour ce faire, ces acteurs ont opéré des transformations majeures pour participer à la mise en place d’un système qualité et d’une distribution (re)localisée en réponse aux effets du système alimentaire dominant mondialisé et industrialisé. En amont de la distribution, les organisations agricoles sont au cœur des mutations vers un système alimentaire durable dans un contexte de changement climatique totalement inédit. Face aux effets du changement climatique et l’entrée dans l’anthropocène, ces organisations vont devoir repenser leurs business models, renforcer les capacités d’innovation et développer une forme de résilience pour s’insérer dans un environnement naturel porteur de nouveaux risques et un environnement socio-économique toujours plus sensible à la qualité de l’alimentation (Meuwissen et al., 2019; Stone & Rahimifard, 2018)

L’analyse du système alimentaire invite dès lors à explorer la manière dont les organisations traditionnelles ou alternatives peuvent s’accommoder ou façonner les mutations en cours (Reinecke et al. 2012). Les recherches en sciences de gestion permettent d’appréhender les dynamiques organisationnelles (Le Velly, Le Grel, et Dufeu 2016) au regard des démarches d’innovation - sociale (Chiffoleau et Paturel 2016), organisationnelle ou technologique (Gundling, 2014 ; Labatut et al., 2011)- des actions collectives et de coopération (Filippi, Frey, & Mauget, 2008 ; Mauget, 2008 ; Roux, 2015) ou encore des pratiques éthique et de développement durable (Beacham 2018; Bocquet, 2015) dans lesquelles s’inscrivent les initiatives alimentaires dites ‘alternatives’ (Deverre et Lamine 2010, Le Velly, 2017). Les travaux existants ont mis en évidence l’apport de nombreux concepts et théories pour mener ces recherches : partition des ressources (Sikavica & Pozner, 2013), idéologie et légitimité (Hiatt & Park, 2013 ; Press et al., 2014), travail institutionnel (Lanciano et Saleilles 2011; Michel et al. 2019), coûts de transaction (Roux, 2015), routines (Labatut et al., 2011) et praxis (Beacham 2018).

Face aux enjeux stratégiques et sociaux liés au système alimentaire et à ses évolutions, cette STAIMS invite les chercheurs de la communauté en management mais aussi en marketing, en entrepreneuriat ou en ressources humaines à développer et présenter leurs recherches sur les modes production, de distribution et de consommation. Cette STAIMS est ouverte à tous les types d’approches théoriques, épistémologiques et méthodologiques mais les articles proposés devront contenir un étayage théorique permettant d’éviter les pures descriptions sans effort de conceptualisation. 
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