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Van der yeught Corinne, Bon Véronique

Face aux enjeux du développement durable (DD), les petites organisations sont réputées moins armées que leurs homologues de grande taille pour en saisir toutes les opportunités stratégiques en raison notamment d’un accès plus difficile aux ressources humaines et financières ou encore du relatif isolement du chef d’entreprise (Jenkins, 2004, 2009; Lepoutre et Heene, 2006 ; Berger-Douce, 2011 ; Bon et al., 2013). De fait, leur aptitude à innover au profit du DD pose question. Dans cet article, nous examinons comment une démarche expérimentale initiée par une organisation de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) permet à de petites organisations de développer leur capacité d’innovation responsable. Portée par une association, la démarche Éveil ambitionne de promouvoir le développement d’un tourisme durable en Provence auprès de professionnels organisés en réseau. Afin d’identifier les processus déployés dans la mise en œuvre de cette démarche, nous avons mobilisé les capacités dynamiques (CD) (Teece et al., 1997 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Winter, 2003 ; Teece, 2007a,b). Cette théorie est reconnue en management stratégique pour expliquer comment les organisations reconfigurent leurs systèmes de ressources et de compétences afin d’innover en environnement dynamique, mais elle est rarement mobilisée dans un tel contexte (Zahra et al., 2006 ; Berger-Douce, 2014 ; Van der Yeught, 2014). La méthodologie repose sur une étude de cas avec design enchâssé retenant deux niveaux d’analyse : les petites organisations composant le réseau et le réseau dans son ensemble (intégrant les fondateurs et coordonnateurs). Les données ont été collectées entre 2009 et 2014 par analyse documentaire, entretiens libres et semi-directifs, observation simple et participante. L’analyse multi-niveaux conduit à deux principales avancées théoriques. Premièrement, cette recherche enrichit la théorie des capacités dynamiques en élargissant son champ d’application au cas des petites organisations. Grâce à une méthodologie appropriée, elle montre comment ont évolué les stocks de ressources, de compétences et de routines dans les petites organisations étudiées, traduisant le développement de CD le plus souvent incrémentales, parfois de renouvellement et plus rarement régénératives (Ambrosini et al., 2009), au profit d’innovations multiples. Elle identifie, en particulier, deux déterminants majeurs d’innovation : les capacités coopératives et les apprentissages stimulés par la mise en réseau. Deuxièmement, l’analyse multi-niveaux révèle les processus par lesquels une innovation sociale issue de l’ESS constitue un moteur d’innovation responsable et durable grâce aux CD qu’elle suscite parmi les membres du réseau. Les leviers de son déploiement favorisent la construction d’une vision partagée et d’un sens commun autour de l’objectif d’un tourisme durable. Chemin faisant, cet objectif se constitue en champ territorialisé d’innovations présentes et à venir dans lequel l’acteur pivot et les fondateurs de la démarche contribuent fortement à la scénarisation et à la scénographie (selon les termes d’Aggeri, 2011) favorisant le développement de processus d’innovation responsable et durable.