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Koeberle Pascal, Geoffroy François

La contestation des projets d’implantation s’intensifie. Les parties prenantes qui y sont opposées (qui se font désormais appeler « zadistes ») parviennent de mieux en mieux à faire obstacle à ces projets d’infrastructures, de zones d’activité, de parcs de loisirs ou d’autres projets d’équipement. Si de nombreuses facettes de la stratégie politique des zadistes pour empêcher la réalisation de ces projets restent largement à explorer, cet article examine plus spécifiquement qui ils sont et les discours qu’ils mobilisent. L’examen des acteurs est rendu indispensable par la complexité croissante du jeu des acteurs de la décision locale. Les discours constituent une ressource privilégiée par les zadistes qui semblent attacher à la communication d’influence un pouvoir particulier, que la littérature confirme largement. Qui sont les acteurs du zadisme? Quels discours mobilisent-ilspour délégitimer les projets d’implantation, c’est-à-dire pour faire adhérer la population à l’idée que ces projets sont contraires à l’intérêt général ? Quels éléments du contexte, local et sociétal, contribuent à un renforcement du pouvoir d’influence de ces discours d’opposition ? Nous proposons un examen des acteurs du zadisme en mobilisant une approche par les lobbies locaux, empruntée aux sciences politiques. Si les acteurs du zadisme incluent effectivement des lobbies économiques, associatifs et de l’expertise, cette approche présente néanmoins des limites pour rendre compte de la complexité du phénomène et de ses multiples acteurs à différents niveaux d’analyse. Concernant les discours du zadisme, une croyance répandue mais peu approfondie associe la contestation des projets d’implantation à un mouvement écologiste. La littérature existante, quoique limitée, dépasse cette idée simpliste. Cependant, une meilleure compréhension des discours de contestation est indispensable pour permettre, d’une part, aux promoteurs de ces projets de les rendre plus acceptables aux yeux de leurs parties prenantes stratégiques et, d’autre part, aux décideurs publics de mieux évaluer ces projets au regard du critère de l’intérêt général. Notre travail empirique rend compte d’une analyse critique des discours des opposants à un projet d’implantation d’un parc de loisirs privé dans une commune rurale du Sud-Alsace. Nous commençons par identifier les acteurs de la contestation, en nous appuyant sur une typologie existante des lobbies reconnus pour s’impliquer au niveau local dans les décisions publiques, dont certaines portent à conséquences sur les projets d’implantation qu’ils soient d’initiative publique ou privée. Nous identifions ensuite 6 discours véhiculés par ces acteurs, entre lesquels nous mettons à jour des dénominateurs communs. En effet, 3 discours mettent en avant des valeurs sûres, ce que nous interprétons comme le signe d’une stratégie discursive des opposants consistant à attiser un sentiment d’insécurité dans l’esprit de la population de la commune. De même, 3 discours insistent sur des asymétries de pouvoir, et suggèrent une volonté d’exacerber au sein de la population un sentiment d’injustice sociale. Ensemble, ces 6 discours, en jouant sur des sensibilités préexistantes dans le contexte local et sociétal, parviennent à délégitimer le projet à le faire échouer. Tout en contribuant à la compréhension des acteurs et des discours du zadisme, le présent travail souligne les limites d’une approche par les lobbies locaux et suggère plusieurs alternatives théoriques pour dépasser ces limites.