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Berkowitz Héloïse, Dumez Hervé

La performativité des théories en sciences sociales, et en particulier en gestion, a fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières années. Les cas étudiés sont généralement des cas de réussite, souvent dans le domaine des marchés financiers. Repartant de Austin, ce papier essaie d’identifier les conditions de félicité qui, si elles sont remplies, permettent à une théorie d’être performative et qui, si elles ne le sont pas, font échouer le processus de performativité. Ces conditions sont au nombre de trois : opérationnalisation [C1], effectuation [C2] et réalisation [C3]. Mais une théorie peut remplir ces conditions, et donc devenir performative, selon deux processus distincts. Si la théorie anticipe sa propre performativité en spécifiant ses conditions de félicité, et si elle les remplit, le processus de performativité est dit cadré. Si, au contraire, la théorie ne s’est pas voulue performative, n’a pas spécifié elle-même ses conditions de félicité, mais si elle se trouve en situation de performer les pratiques sans l’avoir anticipé, il y a performativité par débordement. L’étude de cas de deux théories de management stratégique apparues simultanément au début des années 80, la théorie des parties-prenantes et celle des stratégies collectives, illustre ces deux processus. Elle montre même qu’un double débordement peut survenir conduisant à l’hybridation des deux théories. Le papier ouvre des voies de recherche sur les boucles de rétroaction qui peuvent exister entre le fait pour les théories d’être susceptibles d’être vraies ou fausses (falsifiabilité) et le fait d’avoir un effet possible sur les pratiques (performativité). Les implications managériales résident dans le fait que les praticiens ne doivent pas s’intéresser uniquement aux théories se voulant actionnables, mais ont intérêt à enrichir leur répertoire de théories et de concepts en pratiquant le débordement.