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Dupré la tour Alice, Labatut Julie, Spiegelberger Thomas

La gestion et la préservation des ressources naturelles sont fréquemment mises à mal par la configuration des marchés. Parallèlement, la recherche met de plus en plus en évidence les risques de dégradation anthropique des patrimoines naturels, et va parfois jusqu’à s’engager pour infléchir le fonctionnement de certaines activités. Dans les Alpes françaises, pour éviter les risques liés à l’utilisation de semences non locales pour revégétaliser des prairies et pelouses d’altitude, différents acteurs de l’écologie scientifique et de la restauration écologique s’organisent. Ils promeuvent la production et l’utilisation de semences d’origine locale permettant de préserver la diversité végétale. Leur ambition est d’accompagner la structuration de filières de semences locales, pour que celles-ci se généralisent sur le marché des semences de revégétalisation. L’enjeu de ce travail est de contribuer à identifier ce qui limite et ce qui favorise la généralisation des semences locales, afin de proposer des pistes pour la mise en place d’une gestion collective de la ressource en cohérence avec les recommandations écologiques. Cette contribution s’attache à examiner les conditions formelles et cognitives de la réorganisation du marché, en particulier la redéfinition des produits, leurs qualifications et leurs valeurs. Nous retraçons la manière dont la prise de conscience du problème écologique se traduit en problématiques organisationnelles. Pour cela, nous envisageons les formes d’organisations dans leurs dimensions à la fois matérielle et cognitive. La théorie des conventions permet de distinguer les logiques d’action et de légitimation qui se jouent. Pour comprendre la manière dont des formes de coordinations peuvent évoluer ou au contraire se consolider, nous examinons les systèmes de valeurs et représentations des acteurs. A partir de données qualitatives et quantitatives issues d’un travail de recherche intervention, nous nous intéressons à la configuration matérielle des activités de revégétalisation, aux qualifications et aux valuations de la ressource. Pour comprendre les conditions de production et d’échange des semences locales, leur valeur doit être étudiée non seulement par une approche technico-économique, mais également, au-delà des coûts, dans sa dimension « projetée » par les différentes parties prenantes du marché. L’étude des processus conjoints d’évaluation et de valorisation de la ressource permet de questionner sa valeur comme construction sociale. Cette analyse nous permet de distinguer des registres d’action et de discours relatifs au marché dominant de la revégétalisation, basé sur l’utilisation de semences non locales. Ces registres ont tendance à s’appuyer sur des valeurs techniques qui ne prennent pas en compte la ressource vivante. Dans ce contexte, la contestation et l’organisation d’alternatives viennent faire évoluer l’agencement marchand, mais peuvent également augmenter sa résilience. On observe en effet l’émergence d’une rhétorique environnementale qui s’inscrit dans une certaine mesure dans le schéma dominant, qu’elle légitime. Pour éviter la relativisation de la notion de semences locales, les parties prenantes doivent s’accorder sur une conception partagée de ce qu’est une semence locale. Différentes logiques d’acteurs pourraient alors converger dans de nouveaux modes de coordination permettant de préserver la diversité végétale.