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Renard Lucile

D’une relation d’opposition, les ONG environnementales développent de plus en plus des relations de partenariats avec les entreprises privées. Ce changement dans la relation avec ces acteurs aux intérêts souvent divergents peut engendrer des tensions paradoxales entre les valeurs de l’organisation d’une part et les moyens mis en œuvre d’autre part. En jugeant s’il s’agit de la « bonne chose à faire », les salariés des ONG environnementales peuvent réévaluer la légitimité morale d’une telle pratique. S’interroger sur la légitimité des partenariats permet d’anticiper les risques liés cette tension et d’interroger la pertinence des dispositifs discursifs et non discursifs mis en place. Dans la continuité des travaux établis sur les théories strategy-as-practice, il s’agit de placer les membres de l’organisation, et plus particulièrement les salariés, au cœur de la stratégie de légitimation. C’est à travers leur jugement de l’adéquation entre les valeurs de l’ONG et les moyens mis en œuvre que les salariés confirment ou infirment le discours porté par les dirigeants de l’organisation. L’objectif de la présente recherche est d’analyser la stratégie de légitimation des ONG environnementales liée aux partenariats avec les entreprises privées à travers l’interprétation qui en est faite par les salariés. Pour ce faire, nous nous intéressons aux partenariats comme objet de tensions paradoxales du fait d’une contradiction entre les valeurs et les moyens mis en œuvre. La mise en exergue de ces tensions induit une question d’ordre éthique sur la « bonne façon de faire » au sein même de l’organisation. De fait, le résultat de ce jugement par les membres salariés peut impacter la légitimité morale de l’ONG environnementale. Sur la base de 30 entretiens semi-directifs avec les salariés ou anciens salariés de trois ONG environnementales, nous nous intéressons aux facteurs internes ou externes qui mettent en exergue la tension paradoxale. Aussi, en s’appuyant sur les travaux de Tost (2011), nous montrons comment les salariés s’engagent dans une réflexion sur le sujet et dans quelle mesure les considérations éthiques impactent leur jugement. En cas de dissonance ou de contradictions perçues, les salariés s’engagent dans une activité de rationalisation. Ils s’appuient ainsi sur des procédures ainsi que sur des discussions formelles ou informelles, qui, de fait, s’intègrent dans une stratégie de légitimation de l’ONG environnementale vis-à-vis de ses partenaires privés. Notre contribution permet ainsi de mettre en avant les conséquences du paradoxe éthique lié à la mise en place de partenariats avec les entreprises privées et les implications sur la stratégie de légitimation au sein des ONG environnementales. Une meilleure compréhension de la légitimité des partenariats permet d’anticiper non seulement les risques liés cette tension mais également de mieux comprendre la pertinence des dispositifs discursifs et non-discursifs à mettre en place.