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Langlois Margaux

Cet article contribue aux recherches critiques sur la pensée positive en montrant ses mécanismes spécifiques dans un contexte d’open organizing. Issue de la psychologie positive, la norme de la pensée positive valorise les émotions, traits de caractère ou vertus socialement considérés comme positif (le pardon, l’amour, la joie…) (Fineman, 2006) et marginalise la négativité. En management, le positive thinking est généralement étudié à l’aune du leadership dans un contexte salarié. Si certaines recherches mettent en évidence de nombreuses externalités positives sur la performance ou la communication par exemple, les CLS montrent la manière dont il crée et masque des relations de domination (Collinson, 2012 ; Picard et Islam, 2019 ; Vince et Mazen, 2014). Cela questionne donc la façon dont agit la pensée positive dans un environnement sans relation contractuelle de subordination et où la hiérarchie est fuie. C’est pourquoi je propose de me focaliser sur l’open organizing, une forme contemporaine de démocratie organisationnelle. En effet, l’ouverture est caractérisé comme un continuum entre deux dimensions : inclusion et transparence (Whittington, Cailluet et Yakis-Douglas, 2011). Par conséquent, les frontières de l’organisation apparaissent comme plus floues et les modèles traditionnels d’autorité y sont remis en cause. Je propose d’adresser cette problématique à travers l’étude d’une association laquelle j’ai mené une ethnographie (O’Doherty et Neyland, 2019) entre avril 2018 et janvier 2020. M21S apparait en effet comme un cas extrême (Yin, 1984, 2003). D’une part, la pensée positive s’y traduit par la présence de tabous organisationnels (Land, 2008) autour du conflit, du contrôle et de la sanction. D’autre part, les membres de M21S ne sont lié-e-s par aucun lien de subordination et refusent d’avoir un chef. Mes résultats sont présentés sous la forme de vignettes, reflétant des moments de crise rencontrés par l’association. Cette recherche illustre, par la métaphore de la nécrose organisationnelle, la façon dont la norme de la pensée positive (Collinson, 2012 ; Fineman, 2006) peut menacer la survie de l’organisation dans un environnement ouvert. Je mets tout d’abord en lumière la manière spécifique donc le positive thinking se traduit dans l’open organizing à travers des tabous organisationnels qui reflètent les remises en cause des formes traditionnelles d’autorité. J’identifie également deux mécanismes spécifiques à ce contexte organisationnel inclusif et sans leader : la dépersonnification et la déresponsabilisation. Ces mécanismes permettent aux membres de se protéger en dissolvant la responsabilité dans le groupe et les règles, mais ont aussi pour conséquence de paralyser l’action. Mon analyse met aussi en lumière la présence de nombreux paradoxes et contradictions auxquels font face des organisations ouvertes et positives soulignant le caractère dissonant (Dorion, 2017) d’un organizing alternatif.