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De ridder Marine

« S’affranchir des pratiques fondées sur la méfiance et le contrôle pour co-inventer un mode d’organisation fondé sur la responsabilité et la liberté » (Getz, 2017, 4ème de couverture). C’est à partir de cette proposition simple et séduisante qu’Isaac Getz est devenu, aux yeux de nombreux praticiens du management, le « père » de l’entreprise « libérée » en France (e.g. Fox & Pichault, 2017). La recherche au cœur de cet article est née du constat d’une médiatisation grandissante des entreprises « libérées » auprès des praticiens du management (Gilbert, Raulet-croset, & Teglborg, 2017) mais aussi des chercheurs en gestion (Mattelin Pierrard, Bocquet, & Dubouloz, 2018). Au sein de ces organisations, nous questionnons spécifiquement les enjeux de la délibération sur le travail soulevés par cette technique managériale (au sens d’Hatchuel et Weil (1992)). Dans la lignée des travaux de Picard (2015) ou encore de Frémeaux et Taskin (2019), notre recherche s’intéresse au vécu des personnes travaillant dans ces organisations dites libérées. Plus précisément, nous nous interrogeons sur l’éventuelle réinvention de la délibération sur le travail amenée par la « libération » des organisations et les dispositifs gestionnaires qui l’accompagnent. Pour approcher la délibération sur le travail, nous nous inspirons fortement des nombreux travaux sur les espaces de discussion du travail (e.g. Detchessahar, 2019; Detchessahar, Gentil, Grevin, & Stimec, 2015; Van Belleghem & Forcioli Conti, 2015), définis comme « un espace de construction par le dialogue de solutions ou de construits d’action collective entre acteurs interdépendants » (Detchessahar, 2013, p. 59). Une approche qualitative via une étude de cas approfondie (i.e. 62 entretiens, 23 observations, 31 documents) est retenue pour l’étude des espaces de discussion du travail de l’entreprise dite libérée. Celle-ci est réalisée au sein d’un Service Public Fédéral en Belgique ayant lancé un projet de « libération » en 2014. Une analyse thématique et par catégorie conceptualisante (Paillé & Mucchielli, 2016), notamment assistée par le logiciel Nvivo a été réalisée. Nos résultats montrent comment le projet de « libération », par le discours sur l’autonomie, la liberté et la responsabilité qui l’accompagne, a transformé les règles et les usages de certains espaces de discussion du travail de l’organisation. En effet, par le recours à certaines pratiques d’intelligence collective ou au principe de subsidiarité, nous observons l’apparition d’une plus grande prescription sur la délibération sur le travail. Dans certains cas, celle-ci peut mener à une invisibilisation du travail réel des travailleurs amenant certains d’entre eux à expérimenter un déficit de reconnaissance au travail.