AIMS

Index des auteurs > Clément Mary-lieta

Clément Mary-lieta, Roux-dufort Christophe

Le présent document s'inscrit dans un courant de recherche sur la gestion des crises qui remet en question l'idée de la prévisibilité et de la contrôlabilité des crises. Des chercheurs comme Perrow (1984) les définissent même comme étant inévitables et normales. Nous avançons l'idée que considérer les crises comme normales, c'est-à-dire comme un phénomène incompressible auquel les gestionnaires ne peuvent échapper, signifie reconnaître leur essence tragique intrinsèque. En tant que tel, nous utilisons la tragédie grecque non pas comme une métaphore pour caractériser les conséquences des crises comme le font habituellement les auteurs, mais comme une lentille analytique pour les conceptualiser comme des processus irréductibles malgré toutes les stratégies déployées pour les prévenir, les contrôler et les gérer, sans laisser aux gestionnaires la possibilité de changer la trajectoire des évènements exactement comme le héros grec tragique qui lutte contre son destin. Plus spécifiquement, notre article a pour objectif d’explorer la nature tragique des crises afin de découvrir leur caractère inexorable, insurmontable et irrémédiable et les stratégies adoptées par les gestionnaires lorsqu'ils sont pris au piège d'évènements qui échappent à leur contrôle et à leur compréhension. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les connaissances accumulées sur la tragédie grecque telles que proposées par les chercheurs de la littérature classique, les philosophes et en particulier par Clément Rosset (2014), pour mettre en évidence des facettes insoupçonnées des crises et de leur gestion. L'application de cette grille d'analyse nous permet d'apporter deux contributions théoriques à la littérature sur la gestion des crises : une définition renouvelée de la crise et un modèle de développement des crises que nous appelons le cycle tragique dans lequel nous soulignons les stratégies de gestion et d’anticipations mises en œuvre par les gestionnaires lorsqu’ils se retrouvent pris dans le piège inéluctable et tragique de la crise.