AIMS

Index des auteurs > Vandangeon-derumez Isabelle

Vandangeon-derumez Isabelle, Grimand Amaury, Schafer Philippe

Cette communication interroge les modalités de gestion des paradoxes organisationnels qui se manifestent dans le cadre d’une conduite de changement. Pour approfondir cette relation, nous articulons la littérature sur les paradoxes organisationnels (Smith et Lewis, 2011 ; Jarzabkoski, Lê et Van de Ven, 2013), avec celle sur la conduite du changement (Hargrave et Van de Ven, 2016 ; Lüsher et Lewis (2011) et la construction du sens (Weick, 1995). La mobilisation d’une recherche-intervention durant six années destinée à accompagner le déploiement de la norme ISO 26000 dans une entreprise de taille intermédiaire du secteur de l’agro-alimentaire, nous permet alors d’appréhender les paradoxes qui se cristallisent à cette occasion et d’observer les modalités de leur régulation. L’analyse des données (entretiens semi-directifs, observations participantes et non participantes, questionnaires, documents internes et externes) mobilise une démarche inductive, inspirée de Gioia et ses collègues (Corley et Gioia, 2004, Gioia, Corley et Hamilton, 2013, Langley et Abdallah, 2011). Notre analyse se déploie en trois temps. La première phase consiste à repérer les tensions organisationnelles à l’œuvre et à les qualifier dans le prolongement des travaux de Smith et Lewis (2011). Dans une deuxième phase, nous montrons comment ces paradoxes sont gérés à travers différents dispositifs de sensemaking et de sensegiving dont l’agencement permet une prise en charge globale des paradoxes organisationnels. Le troisième temps vise à proposer un modèle intégré et paradoxal de conduite du changement permettant l’association des paradoxes organisationnels dans un système global de management articulant une dynamique de changement prescrit et construit, ainsi qu’une construction prospective et rétrospective du sens. La discussion de ces résultats souligne la triple contribution de cet article. La première invite à dépasser une approche séquentielle et une prise en charge isolée de chaque paradoxe organisationnel, en proposant un modèle qui permet de manager l’ensemble des paradoxes simultanément. La seconde dépasse les clivages entre changement construit et changement prescrit en proposant une conduite du changement elle-même paradoxale, reposant sur différentes séquences de sensemaking et de sensegiving. La dernière, enfin, s’efforce de qualifier les dispositifs de sensemaking et de sensegiving venant en appui de cette conduite de changement paradoxale.

Vandangeon-derumez Isabelle, Habib Johanna

Le changement fait partie intégrante de la vie des organisations. Pour autant, les acteurs organisationnels ont du mal à s’engager dans le changement comme en témoignent les développements récents sur le « readiness to change ». Est-il alors possible de préparer les acteurs au changement et si oui comment ? La littérature sur le changement insiste à la fois sur la nécessité de construire du sens (Maitlis et Christianson, 2014) et sur la diversité des réponses apportées par les acteurs à une même initiative de changement (Stensaker et Falkenberg, 2007). Comment aider les managers à prendre conscience de la diversité des représentations du changement et à en construire une représentation partagée avec leur équipe pour susciter l’engagement ? Enfin, un nombre croissant d’auteurs s’intéressent aux émotions ressenties par les individus lors d’un processus de changement et à la façon dont celles-ci influencent la création de sens (Maitlis et al., 2013), soulignant l’intérêt de les assumer et de les valoriser (Vince et Broussine, 1996). Comment inclure les émotions dans une réflexion sur le changement organisationnel ? Les méthodes artistiques, dans la mesure où elles permettent d'appréhender l'essence d'un concept, d'une situation ou d'une connaissance tacite (Taylor et Ladkin, 2009) et de susciter des émotions, peuvent être une réponse possible à ces questionnements. Dans l’objectif d’évaluer l’intérêt des méthodes artistiques pour favoriser la construction de sens autour du changement organisationnel, nous avons élaboré une expérimentation s’appuyant sur la réalisation d’une bande dessinée pour faire vivre une expérience de changement à des étudiants en Master au sein d’un institut d’administration des entreprises. Pour s’inscrire dans un processus de création de sens, cette expérimentation est conduite en deux temps : 1) la réalisation d’une BD pour faire émerger des histoires de changement et souligner la diversité de ses représentations et 2) la réalisation d’une image du changement pour amener les étudiants à construire collectivement une représentation partagée autour de ce concept. L’analyse des données collectées permet de comprendre l’expérience de changement vécue par les étudiants et le processus de création de sens que cette expérimentation rend possible. Principalement, les résultats montrent que le dispositif pédagogique encourage une posture réflexive des étudiants les aidant à s’ouvrir aux autres, à prendre du recul, ainsi qu’à réfléchir sur le changement et sur eux-mêmes en situation de changement. Les discussions collectives organisées autour de leurs productions artistiques facilitent l’engagement dans un processus de création de sens et la production d’une représentation partagée du changement. La discussion de ces résultats souligne l’intérêt des méthodes artistiques, par rapport à d’autres méthodes, pour apprendre et construire du sens autour du changement organisationnel. Cela nous amène à proposer d’étendre sous certaines conditions l’expérimentation auprès de managers en activité.