Résumé : Cette contribution mobilise la Théorie de la régulation sociale de J.-D. Reynaud sur le terrain d’un univers d’activités en émergence en même temps que confronté à des inerties, celui des projets de valorisation des algues en Bretagne. Dans cet univers fondé sur la science, interprété comme l’expression du jeu de multiples sources de régulations, les interprétations proposées et discutées, en mobilisant les problématiques de la Théorie de la régulation sociale (TRS), conduisent à envisager les questions des frontières de l’entreprise et de sa gouvernance dans des termes renouvelés.
Les fondamentaux de la Théorie de la régulation sociale sont rappelés avant que ne soit présenté le terrain des projets de valorisation des algues. Celui-ci est illustré par le cas de l’entreprise Olmix, dont le développement est porté par des innovations majeures dans l’exploitation des algues en matière de nutrition-santé. Les interprétations proposées dans les termes de la TRS sont ensuite discutés en trois temps. D’abord, en opérant la distinction entre conjonction de régulations et régulation conjointe, il est montré que la transformation des règles du jeu concurrentiel peut prendre la voie des jeux de pouvoir ou celle de la négociation officielle des règles. En envisageant ensuite la question des frontières sur la base d’une compréhension de l’entreprise comme projet, s’affirme une position épistémologique et théorique forte : l’action collective engage la perspective d’un monde commun, se constitue comme communauté de projet comprise comme communauté de règles vécues, communauté d’apprentissage et capacité d’action commune. Enfin, cette compréhension de l’action collective conditionne celle de la gouvernance qui se pose à l’échelle de l’entreprise en même temps qu’à celle des collectifs d’acteurs impliqués dans l’univers concurrentiel. A l’échelle micro de l’entreprise, il est défendu la nécessité de distinguer l’entreprise réelle ou organisation productive de l’institution ou société financière. A l’échelle méso des réseaux d’acteurs potentiellement impliqués dans l’exploitation de la ressource commune qu’est l’algue, le lien s’établit aisément avec les perspectives d’auto-gouvernance suggérées par les travaux d’E. Ostrom. Les conflits d’usage de la ressource algale peuvent-ils se résoudre dans une possibilité de démocratie d’appropriation à l’échelle régionale ? La ressource commune peut-elle être envisagée comme bien commun ?
L’objectif global de cette contribution est de montrer la pertinence et l’intérêt de la Théorie de la régulation sociale de façon générale et notamment pour saisir les concours et concurrence de régulation. Il est aussi de sensibiliser aux questions vitales de nutrition-santé en lien avec les processus d’innovation et donc de transformation des filières agroalimentaires.