AIMS

Eydieux Jérémy
Approfondir les approches pragmatistes de la gestion des parties prenantes : l'apport de l'intertextualité

Bien que la recherche sur la gestion des parties prenantes a maintenant plus de 30 ans, la littérature n’a que peu d’éléments concernant la manière dont les professionnels peuvent conduire et mettre en action la gestion des parties prenantes. Cela est particulièrement important pour les organisations à haute fiabilité, pour qui la gouvernance des risques est une nouvelle difficulté à dépasser afin de maintenir leur niveau de fiabilité. Nous cherchons à apporter des éléments de réflexion à ce sujet, en nous appuyant sur le contexte de la gouvernance des risques nucléaires en France et plus particulièrement sur la relation contrôleur / contrôlé entre les exploitants et l’IRSN.
Afin d’adopter une approche enracinée dans l’action, nous nous inscrivons dans la continuité des approches pragmatistes de la gestion des parties prenantes, en particulier fondées sur les travaux de Rorty. Elles pensent la gestion des parties prenantes comme une conversation à maintenir afin de dépasser trois contingences de l’organisation : son langage, son soi et sa communauté. Afin de donner à voir la manière dont les acteurs de terrain dépassent ces contingences, nous nous appuyons sur trois conceptions de l’intertextualité : comme formant un cadre d’interprétation, les relations formelles entre textes, et comme formant la volonté d’écrire des textes.
Nous étudions un cas d’évaluation d’une démonstration de sûreté par l’IRSN de 2010 à 2011, pour lequel nous avons procédé à une collecte de documents complétée d’entretiens. Nous avons collecté 357 documents (9099p.) ; par exemple des mails, courriers, comptes-rendus de réunion, documents de travail… Nous avons réalisé 3 entretiens (5h05, 102p.), qui nous ont servi à préciser notre lecture du corpus de documents. Nous avons analysé le corpus à l’aide du logiciel Cytoscape, qui nous a permis de répertorier les relations entre textes pour les analyser ensuite au cas par cas.
Nos résultats montrent comment l’utilisation des différentes formes d’intertextualité permet aux acteurs de dépasser les contingences de leur organisation. Les relations "classiques" entre textes sont déclinées en catégories représentatives pour le terrain (pièce jointe, version, suite…). Les relations formelles entre textes contribuent au dépassement des trois contingences identifiées par Rorty (1993 (1989)). L’intertextualité formant un cadre d’interprétation contribue au dépassement de la contingence du soi, et l’intertextualité formant la volonté d’écrire des textes aide à dépasser la contingence de la communauté.