AIMS

Sommer Mael
Systèmes de management collectifs et gestion des paradoxes de la durabilité en petites entreprises

Les questions de durabilité confrontent les entreprises à de multiples tensions paradoxales (Hahn et al., 2015) dont l'impact dépend surtout de la façon dont les individus les considèrent et y réagissent (Smith & Lewis, 2011). L’expérience de ces tensions est en effet souvent considérée dans la littérature comme une épée à double tranchant, pouvant permettre l’excellence à court terme comme la réussite à long terme, mais aussi engendrer de l'anxiété et des attitudes défensives contreproductives (Lewis, 2000 ; Smith & Lewis, 2011 ; Ingram et al. 2016 ; Miron-Spektor et al., 2017). Puisqu’il est vain d’espérer venir à bout des paradoxes (Koenig, 1996), la durabilité d’entreprise relève ainsi davantage d’une capacité que d’un résultat. La théorie des paradoxes (Lewis, 2000 ; Smith & Lewis, 2011 ; Lewis & Smith, 2014) postule en effet que celle-ci tient dans une capacité à gérer des exigences partiellement contradictoires. A travers ce prisme théorique, la présente communication étudie en quoi des systèmes de management environnemental (SME) collectifs peuvent favoriser une gestion constructive et efficace des tensions de la durabilité en petites entreprises. Majoritaires dans nos économies, ces dernières ont en effet plus de difficultés que les grandes à faire face à la complexité des problèmes de durabilité (Lepoutre & Heene, 2006 ; Courrent, 2012). Les SME collectifs (Ammenberg et al., 1999 ; Zobel, 2007), et plus largement les stratégies collectives (Astley et Fombrun, 1983), sont alors souvent présentés comme un moyen pertinent pour les petites entreprises de s’attaquer aux questions de durabilité tout en dépassant certains problèmes classiques qui peuvent freiner leur action responsable tel que le manque de ressources et de compétences (Berger-Douce, 2005 ; Da Fonseca & Yami, 2012 ; Da Fonseca, 2013 ; Ondoua Biwolé, 2017 ; Halila, 2007 ; Halila & Tell, 2013). Toutefois, aucune recherche ne s’est a priori intéressée aux effets des SME collectifs sur la gestion des tensions de la durabilité. Dans le contexte d’un secteur placé au cœur d’un débat sociétal riche en tensions (l’agriculture), cette communication étudie le cas de 30 petites entreprises hétérogènes réparties dans 8 SME collectifs régionaux. Qualitative et exploratoire, la recherche met en évidence que ces entreprises sont confrontées à trois types de tensions paradoxales en matière de durabilité relevant de paradoxes de performance et d’apprentissage. La recherche montre ensuite en quoi les SME collectifs peuvent créer des conditions favorables à l’expérience, l’acceptation et la résolution de ces tensions. Mais en exacerbant au fil du temps les tensions, les efforts de résolution renforcent aussi les risques d’attitudes défensives contreproductives et donc la menace d’une gestion moins constructive et moins efficace des paradoxes de la durabilité.