La coopétition commerciale est une stratégie proche du client qui s’est développée dans la pratique des entreprises ces dernières années mais qui n’a été que très peu étudiée par la littérature en gestion. En effet, la théorie de la coopétition s’est davantage centrée sur les relations situées en amont de la chaîne de valeur (projets technologiques, R&D, innovation). En particulier, très peu de recherches ont analysé les formes de coopétition commerciales et le management des tensions liées à ces relations. Or, les recherches sur la coopétition montrent que celle-ci peut induire des risques et des tensions préjudiciables pour les organisations s’ils ne sont pas maîtrisés. En conséquence, certains chercheurs ont développé ces dernières années des approches pour identifier ces tensions et les gérer. Toutefois, ces travaux prennent peu en compte les spécificités de la coopétition commerciale qui exigent des méthodes managériales adaptées. L’objectif de cet article consiste ainsi à pallier ce manque de recherches en étudiant des formes inédites de coopétition commerciale et de nouvelles méthodes de management. Nous souhaitons ainsi enrichir les modèles existants en mettant en évidence les spécificités de la coopétition commerciale et les dispositifs managériaux adaptés pour gérer certains freins en interne.
Poursuivant un objectif de compréhension, nous avons choisi de réaliser une étude de cas mono-sectorielle en adoptant une approche qualitative. Cette recherche s’est déroulée sur deux années, de décembre 2015 à décembre 2017, au sein du secteur de l’informatique et en particulier celui des éditeurs de logiciels pour entreprises. Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs auprès d’alliance managers confirmés travaillant au sein de grandes entreprises et de PME. Les résultats de la recherche montrent l’existence de formes de coopétition commerciale spécifiques que nous détaillons. Nous mettons également en lumière la nature des tensions et des freins liés à la coopétition commerciale au niveau inter-organisationnel et organisationnel. Plus précisément, nous montrons que les tensions sont plus fortes entre salariés de la même entreprise (niveau organisationnel) qu’entre salariés de firmes distinctes en coopétition (niveau inter-organisationnel). Enfin, nous soulignons que la mise en place du système de double-booking et de la recherche de sponsors réduit ces tensions et permet de limiter certains freins en interne. Ces résultats inédits complètent la théorie sur le management de la coopétition et viennent enrichir les travaux sur la coopétition commerciale. Ils permettent également de proposer des pistes d’amélioration aux managers concernant l’identification des tensions coopétitives dans un contexte commercial et le choix des méthodes à mettre en place.