AIMS

Index des auteurs > Pascal Amandine

Pascal Amandine, Mendez Ariel, Gastaldi Lise, Guiderdoni-jourdain Karine

Les travaux les plus récents de l’analyse institutionnelle n’ont cessé de faire progresser le concept d’entrepreneur institutionnel, au travers d’une évolution des débats théoriques en plusieurs temps. Certains chercheurs vont tout d’abord dépasser l’approche déterministe initiale, dans laquelle le rôle des institutions est prédominant, pour considérer que les acteurs peuvent se dégager des institutions existantes, agir sur celles-ci et même en créer de nouvelles grâce à leurs actions intentionnelles (DiMaggio, 1988 ; Hardy et Maguire, 2008). Dans un second temps, des travaux s’efforcent de caractériser les modes d’action contextualisés des entrepreneurs institutionnels (Lawrence et Suddaby, 2006). Pour expliquer l’action de l’acteur sur l’institution, certains auteurs mobilisent la perspective du réalisme critique (Leca et Naccache, 2006 ; Mutch et al., 2006). Seulement, ils ont des difficultés à dépasser la vision « héroïque » d’un entrepreneur doté de capacités exceptionnelles, dont les actions reflètent exactement les intentions de départ. Pour rompre avec cette vision, un nouveau courant de recherche émerge, composant le troisième temps du débat. Conservant le réalisme critique, certains auteurs appréhendent le changement institutionnel à partir des modèles de l’action collective (Wijen et Ansari, 2007 ; Ben Slimane et Leca, 2010). C’est dans la lignée directe de ces travaux que nous nous situons, bien que nous considérons qu’ils restent partiels dans la mesure où chacun d’eux ne prend en compte qu’un ou deux mécanismes générateurs de l’action collective. L’objectif de notre article est de dépasser cette limite en proposant un modèle d’analyse de l’entrepreneuriat institutionnel qui articule réalisme critique et action collective, comme les travaux précédemment cités, mais qui intègre les 4 mécanismes générateurs identifiés dans la littérature : conflit, coopération, confiance et contrôle. Nous considérons alors comment ces mécanismes agissent dans un cas d’entrepreneuriat institutionnel collectif. Nous avons analysé la création d’une structure fédérative de recherche publique : un observatoire dénommé Galileo regroupant plusieurs unités de recherche dans le domaine des sciences de l’univers. Nous avons suivi le processus d’élaboration de cet observatoire pendant plus de 8 mois, au cours desquels nous avons réalisé 40 entretiens semi-directifs, mené des observations et collecté de nombreux documents. À partir de cette étude de la structuration du schéma de gouvernance de l’observatoire Galileo, nos résultats montrent que les processus de transformation d’institutions publiques et notamment ici des universités sont complexes et peuvent aller à rebours des grandes tendances décrites. Ainsi le schéma de gouvernance choisi pour Galileo se caractérise par une multiplication des instances délibératives, alors que les universités sont supposées s’orienter vers des modes de fonctionnement plus hiérarchiques. Cette persistance d’instances délibératives met en évidence la capacité d’un entrepreneuriat institutionnel développé collectivement par des acteurs qui, en activant certains mécanismes générateurs dans un objectif stratégique précis, réussissent, partiellement, à échapper au pouvoir déterminant des institutions.