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El younsi Hafida, Lebert Didier

A la suite de Paulré (2011), nous désignons par recentrage tout mouvement dans les portefeuilles d’activités des entreprises diversifiées qui se traduit par une diminution du nombre d’activités ou par un changement dans la structure productive des entreprises marqué par une intensification des liaisons entre activités ou par une mise en cohérence des portefeuilles. Selon Batsch (1993, 2002) et Paulré (2000), le développement des stratégies de recentrage depuis les années 1980 aux Etats-Unis, puis en Europe, traduit une tendance stratégique correspondant à une volonté des entreprises diversifiées de concentrer leurs moyens et leurs ressources autour d’un seul domaine ou métier « cœur » leur conférant un avantage concurrentiel, sous l’effet de contraintes financières accrues. Le recentrage continue aujourd’hui à alimenter le débat sur les stratégies de croissance des entreprises. Les dernières annonces concernant des opérations de cessions, d’acquisitions et de recompositions d’entreprises non financières permettent de l’illustrer aisément. Cet article introduit une nouvelle approche pour caractériser cette stratégie de croissance des entreprises. Cette approche a pour point de départ la typologie des mouvements de recentrage introduite par Paulré (2000) et reprise par Batsch (2003). Nous augmentons cette typologie aux mouvements de diversification et la mettons en œuvre sur un large échantillon d’entreprises diversifiées européennes (Allemagne, France, Pays-Bas et Royaume-Uni) et américaines durant la période 1992-2007 (base de données Worldscope ; environ 1 500 entreprises non financières). L’article est structuré en trois sections. Dans la première section, nous appliquons la catégorisation de Paulré (2000) augmenté par nos propres développements afin de repérer les mouvements de recentrage et de diversification. Dans la deuxième section, nous présentons un ensemble de résultats sur notre base de données (tendances au recentrage et à la diversification, et leurs différentes formes). La troisième section est consacrée à une discussion autour des enjeux associés au repérage des mouvements de recentrage (accompagnée d’une analyse empirique comparative mobilisant les mesures plus traditionnelles du recentrage et de la diversification). L’un des résultats essentiels de ce travail est que les stratégies de recentrage dominent celles de diversification sur l’ensemble de la période, et que la forme principale prise par ces stratégies est celle d’une « mutation », c’est-à-dire d’une transformation des métiers qui ne s’accompagne pas d’une diminution du nombre d’activités dans les portefeuilles des entreprises. Cette méthode fournit un nouveau regard sur les phénomènes contemporains de recentrage, regard complémentaire de ceux proposés par les approches traditionnelles en termes de comptage d’activités et d’indices de concentration du chiffre d’affaires (approches « quantitatives » du recentrage et de la diversification) et en termes de mesures catégorielles à la Rumelt et Markides (approches dites « qualitatives »).