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Dupont Claire

La fonction RH fait l’objet, depuis longtemps, de nombreux débats sur ses rôles et défis au sein des organisations. Beaucoup de chercheurs se sont ainsi intéressés, à travers des typologies particulières, aux rôles possibles pour cette fonction. Toutefois, l’analyse de ces typologies laisse entendre qu’un rôle particulier permettrait à la fonction RH d’acquérir ses lettres de noblesse dans l’entreprise : le rôle stratégique. La fonction RH est en effet invitée, par des discours spécifiques, à abandonner un rôle administratif, caractérisé par des activités jugées trop traditionnelles et créant peu de valeur ajoutée, pour s’inscrire dans un rôle qui lui garantirait crédibilité et légitimité au sein des organisations. La focalisation sur la création de valeur, le partage de la fonction, la collaboration étroite avec le top management, …, seraient autant de pistes pour endosser ce rôle stratégique. Ces discours nous interpellent particulièrement car ils ne semblent appeler à aucune remise en question et ne laisser aucune alternative possible à la fonction RH si ce n’est celle de devenir plus stratégique. Nous avons cherché à comprendre comment de tels discours stratégiques étaient reçus et interprétés par les praticiens RH au sein des organisations et comment ceux-ci construisaient concrètement leur fonction RH et participaient à la fabrique de cette vision stratégique. Pour ce faire, nous avons interrogé 15 praticiens RH. Nous nous sommes également interrogées sur les incidences que ces discours, et leur conception stratégique de la fonction RH, pouvaient avoir sur la manière de considérer les individus au sein des organisations. En nous rattachant au courant des recherches plus critiques et en considérant la notion de pouvoir pouvant découler de tels discours stratégiques, nous constatons que les praticiens RH soutiennent eux aussi de tels discours. Leurs propos révèlent une forte dépendance de leur fonction à la vision du top management de leur organisation et des marges de manœuvre assez réduites. Cela suscite certaines interrogations sur la capacité de la fonction RH à représenter au mieux les intérêts des individus dont elle a la responsabilité dans l’organisation. Loin des discours vantant l’influence que le rôle stratégique pourrait avoir sur la fonction RH et ses représentants, les praticiens RH ne seraient dès lors que de simples exécutants de la stratégie. Sous des devants particulièrement séducteurs, les discours stratégiques entourant la fonction RH devraient donc être considérés avec prudence, à l’heure où la réalité du fonctionnement des entreprises suscite de plus en plus de questions d’ordre éthique.