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Bovais Helene

L’intégration figure parmi les concepts cœur de la théorie des organisations, qui ont accompagné l’essor des sciences sociales. Constatant la difficulté de fédérer les ensembles humains, les chercheurs et praticiens explorèrent obstinément les ressorts de l’action, à la recherche des conditions de l’unité, de la coopération, et de la formulation d’accords. L’accumulation de découvertes dévoila la complexité et les multiples facettes de l’intégration, ainsi que la variété de ses fondements : dispositifs formels, culturels, systèmes d’action ou dynamiques cognitives. Ces recherches montrèrent aussi comment un système social pouvait tout à la fois se montrer très intégré et héberger des rationalités multiples et conflictuelles en son sein. Pourtant, l’usage managérial et la recherche normative réduisirent le phénomène au contrôle, lui prêtant à tort les attributs d’homogénéité, d’unité de but, de discipline ou d’harmonie relationnelle. Constatant les bénéfices de la variété interne, la question de la conciliation de logiques divergentes revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Les recherches sur les organisations hybrides, l’ambidextrie, ou la gestion des paradoxes réactivent implicitement l’interrogation originelle des théories de l’intégration : Quels arrangements sociaux, formels ou informels, autorisent l’expression durable de la variété dans les organisations, sans qu’une logique ne domine les autres ni que les tensions engendrées ne mettent en péril l’efficacité et la survie du système. Dès lors, les théories de l’intégration pourraient apporter une contribution précieuse à la recherche contemporaine, sous réserve d’une redécouverte de sa richesse et d’une restauration du caractère pluraliste de ce concept. Le fonctionnement atypique de la banque de détail du Crédit Agricole offre cette opportunité. Organisation démocratique, hybride, non-centralisée, et très diverse, elle déploie en son sein des processus d’intégration variés et robustes, par un assemblage sophistiqué des différentes composantes sociales repérées par la science. Ce cas rappelle ainsi la fonction fondamentale de l’intégration, qui consiste à rendre compatibles des logiques d’actions hétérogènes et à concilier la diversité, afin de permettre le fonctionnement collectif. Il attire l’attention sur les formes, parfois surprenantes, de l’intégration et souligne les bénéfices fonctionnels de la variété interne. Articulant les théories de l’intégration et de l’action complémentaires, cette recherche reformule en outre un bagage conceptuel, méthodologique et analytique pluraliste, apte à rendre compte de la complétude du phénomène. Enfin, des ponts sont établis entre la recherche contemporaine et les théories de l’intégration. Ainsi, l’étude montre un arrangement organisationnel propice à la gestion des paradoxes et à l’hybridation: « le pluralisme intégré ». Ce travail s’appuie sur un design qualitatif longitudinal (10 ans) de type ethnographique, mêlant observation participante, une centaine d’entretiens semi-directifs et des analyses documentaires. Nous utilisons un raisonnement abductif. Proche de la théorie enracinée, le cadre conceptuel s’est construit par itérations successives avec le terrain. La plateforme théorique conçue par ce biais associe les théories de l’action (choix rationnel sociologique, théories cognitives, culture), les théories contemporaines sur les paradoxes, les théories de l’intégration et toutes contributions pertinentes par rapport à l’objet étudié.