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Olivero Julie, Batteau Pierre

La prise en compte des effets de l’activité industrielle sur l’environnement demeure un phénomène récent à l’échelle du développement des sociétés industrielles. Ce n’est qu’à partir des années 1970, suite à la médiatisation des premières grandes pollutions, que la conscience collective des enjeux environnementaux se développe largement, que ce soit dans les milieux politiques ou au niveau de la société civile. Pour répondre à ces exigences, les industries doivent s’interroger de façon permanente sur leurs impacts locaux, directs et indirects, sous peine de subir des conséquences néfastes et irréversibles pour la pérennité de leurs activités (boycott des produits, impacts financiers, déficit d’image, perte de marchés…). Les questions environnementales représentent désormais un enjeu stratégique pour les entreprises. En mobilisant la théorie des parties prenantes et l’approche sociologique de la théorie néo-institutionnelle, ce papier présente les résultats d’une enquête réalisée à l’échelle nationale auprès de 196 établissements industriels situés sur cinq bassins industrialo-portuaires (Seine Maritime, Gironde, Loire Atlantique, Bouches-du-Rhône et Nord). Ces bassins ont été identifiés en fonction de trois critères justifiant l’existence d’une vulnérabilité écologique et/ou humaine: forte densité de population, concentration d’établissements à risques, proximité avec les populations et le littoral. Cette étude analyse les opinions et les pratiques des managers confrontés aux risques environnementaux générés par leurs activités, appelés risques « industrialo-environnementaux » (RIE par commodité). Elle vise aussi à identifier les motivations des actions menées et les éventuels obstacles rencontrés en matière de RIE. Malgré une prise de conscience collective des enjeux associés à la protection de l’environnement, les RIE sont gérés de manière significative depuis seulement une quinzaine d’années. Si les stakeholders réglementaires et les valeurs des dirigeants guident principalement les établissements vers une gestion plus « responsable », la complexité de la réglementation et le manque d’informations semblent expliquer la perte de vitesse observée des engagements industriels. Seulement la moitié d’entre eux déclarent avoir adopté un système de management environnemental de type ISO 14001. Le faible nombre d’établissements s’inscrivant dans des partenariats (24 responsables sur 196) ou dans un système d’éco-audit EMAS (3 responsables sur 196) confirme, par ailleurs, des engagements environnementaux qui peinent à se développer. D’une manière générale, les établissements interrogés adoptent des démarches réactives de conformité réglementaire. Les coûts, le manque de moyens humains et/ou financiers, et la faible perception des avantages immédiats semblent, en effet, constituer des freins à la poursuite d’actions environnementalement plus ambitieuses. Ainsi, la gestion des RIE apparaît davantage comme un moyen de légitimer et de pérenniser les activités industrielles que comme une source d’avantage économique ou concurrentiel.