AIMS

Lehiany Benjamin, Chiambaretto Paul
Processus de libéralisation et stabilité des alliances internationales: le cas de quatre alliances du secteur ferroviaire européen

L’article propose une analyse de la stabilité des alliances internationales dans le cadre d’une libéralisation sectorielle. Afin de caractériser le rôle des facteurs structurels (Yan & Gray, 1994 ; Dyer & Singh, 1998 ; Das & Teng, 2000) et stratégiques (Madhavan et al., 1998 ; Koka et al., 2006 ; Koka & Prescott, 2008) sur la relation causale entre la perturbation de l’environnement réglementaire et la stabilité des alliances (Dickson & Weaver, 1997), une étude de cas multiple est conduite sur quatre alliances ferroviaires européennes au cours du processus de libéralisation du transport international de passagers en Europe. Les données primaires proviennent essentiellement d’entretiens conduits auprès des principaux acteurs du secteur (opérateurs ferroviaires, responsables des alliances, gestionnaires d’infrastructure, régulateurs etc.), systématiquement recoupées avec diverses données secondaires (législations, rapports d’experts, presse spécialisée). Nous proposons l’analyse empirique sous forme de narration analytique permettant l’identification de séquences stratégiques multidimensionnelles (Dumez & Jeunemaitre, 2005 ; 2006). Nous mettons alors en évidence, au travers d’une analyse inter-cas, les différences et similitudes entre les quatre alliances étudiées, en nous concentrant sur leur structure (nombre de partenaires, actionnariat, rapport de force et ressources communes) et de leurs stratégies (sur le marché, pour structurer les marchés et hors des marchés). L’hypothèse sous-jacente est que les chocs exogènes imputables à l’évolution règlementaire et sources de menaces internes ou externes (Larsen & Bunn, 1999) affectant la stabilité des alliances peuvent être absorbés par des manœuvres stratégiques de différentes natures. Les résultats prennent la forme de propositions exploratoires qui s’accordent avec la théorie en ce qui concerne les effets des facteurs structurels. Ainsi, l’équilibre du rapport de force entre partenaires semble être l’élément décisif de la stabilité des alliances face aux perturbations de l’environnement ; la présence simultanée d’un grand nombre de partenaires et de ressources engagées dans l’alliance, de même qu’un actionnariat équilibré, ont un effet stabilisateur qui est dominé par un déséquilibre du rapport de force. Sur le plan stratégique, le recours aux stratégies hors-marché (Baron, 1995 ; Dumez & Jeunemaitre, 2005) tend à exacerber l’instabilité des alliances dont la menace provient d’un membre de l’alliance alors qu’il tend à absorber les menaces externes. Enfin, le déploiement sur le marché de stratégies collectives renforce l’alliance alors que des stratégies individuelles peuvent être menées par un ou plusieurs partenaires pour accélérer sa dissolution.