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Thomas Catherine

Auteur

Catherine THOMAS

 

Résumé

Une abondante littérature managériale présente le design organisationnel comme une variable stratégique dans la mesure où il permet à l’entreprise d’accroître sa flexibilité. Toutefois ces transformations structurelles s’avèrent difficiles et de nombreux auteurs soulignent les « points durs » que suscite leur mise en oeuvre.

En se focalisant sur le concept de hiérarchie, peu développé dans la littérature, l’objectif de cet article est d’améliorer notre compréhension des mécanismes de stabilisation des nouveaux designs organisationnels. La première partie, conceptuelle, propose d’enrichir, voire de repenser la notion de hiérarchie. La deuxième partie présente la démarche d’accès au terrain. En s’appuyant sur une étude de cas multi-sites, la troisième partie propose un éclairage nouveau de l’évolution de la hiérarchie au sein des organisations.

1 La hiérarchie, concept complexe et multiforme

Nous proposons dans cette partie d’élargir la problématique sur la signification du concept de hiérarchie en confrontant différentes perspectives théoriques : l’approche systémique, l’analyse sociologique et économique.

1.1 Enjeux et rôle de la hiérarchie

La mobilisation du lien hiérarchie/complexité nous conduit à opérer une distinction entre le principe et la forme hiérarchique. L’analyse des systèmes complexes nous permet de dépasser l’interprétation hiérarchique traditionnelle : la solution hiérarchique s’avère nécessaire lorsqu’un système évolue vers des formes de complexité supérieure. Elle suppose la différenciation en sous-systèmes élémentaires suffisamment stables pour permettre la recherche d’ajustements locaux et suffisamment autonomes pour faire apparaître de nouvelles sources de variété. Poser le problème du mouvement actuel de décentralisation en terme d’une moindre hiérarchisation est une erreur. Il apparaît ainsi que l’entreprise ne peut faire l’économie de la hiérarchie mais qu’elle peut tenter d’en modifier sa forme.

1.2 La figure formelle de hiérarchie enchevêtrée : quels apports ?

La figure formelle de hiérarchie enchevêtrée, qui se définit comme une relation d’englobement du contraire comprenant sa propre inversion à un niveau inférieur, est particulièrement féconde parce qu’elle s’attache à rendre compte d’objets sociaux à partir d’une tension entre différents niveaux. Or l’entreprise doit sans cesse gérer des tensions entre des logiques opposées : centralisation/ décentralisation, formel/ informel, métiers/projets ...

La figure formelle de hiérarchie enchevêtrée enrichit alors notre compréhension des phénomènes de hiérarchisation et propose un cadre pour penser le choix d’une structure organisationnelle en relation avec la contrainte actuelle de flexibilité.

2 La démarche méthodologique

L’étude de cas comme mode d’investigation, a été privilégiée, de préférence aux enquêtes à distance qui se prêtent mal à l’étude d’une réalité complexe aux causalités multiples et non linéaires. S’agissant des terrains, la préférence a été donnée à l’étude de situations nouvelles c'est à dire des entreprises qui ont entamé un processus d’évolution de leur structure.

3 Vers de nouvelles formes hiérarchiques

Nous avons montré que les nouvelles formes organisationnelles ne doivent pas s’interpréter en terme d’une moindre hiérarchisation mais comme la tentative de construire une autre hiérarchisation. Et c’est précisément là que réside un des « points durs » de la mise en oeuvre et de la stabilisation des nouveaux designs organisationnels.

Le résultat principal de cette recherche que nous développerons ici est la nécessité, lors de la mise en place de nouvelles configurations hiérarchiques, de reconnaître et d’articuler les tensions contradictoires qui animent l’entreprise. Seule la maîtrise de ces contradictions, par nature indépassables, permettra à l’entreprise de se doter d’une flexibilité dynamique.

3.1 Recherche de flexibilité, décentralisation et mise en place d’une double régulation conjointe

La recherche de flexibilité dynamique apparaît donc comme un des moteurs de l’évolution, tout particulièrement pour la période actuelle. Elle oriente les entreprises vers une coordination de type « procédural ». Cette dernière suppose la mise en place d’une double régulation conjointe : interniveaux et inter-métiers.

3.2 Maîtriser les tensions contradictoires par la construction d’une hiérarchie enchevêtrée

La construction d’une hiérarchie enchevêtrée apparaît être un élément clé de la mise en place d’une régulation conjointe effective inter-niveaux ou inter-métiers. Elle constitue ainsi un élément essentiel à la stabilisation des nouveaux designs organisationnels.

Les exemples présentés montreront que la mise en oeuvre de la décentralisation et de la transversalité nécessite la reconnaissance de deux niveaux distincts d’organisation, la priorité donnée à l’un de ces niveaux et la délimitation d’un domaine où cette priorité s’inverse. Un excès de différenciation (ne reconnaître qu’un niveau, la régulation autonome, et ne pas définir un domaine d’inversion) ou raisonner en terme de collégialité (par exemple entre métiers, ou entre métiers et projets) entraîne des dysfonctionnements majeurs.