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Reynaud Emmanuelle

Auteur

Emmanuelle REYNAUD

 

Résumé

Compte tenu de l’évolution de la théorie de la décision en stratégie, l’attirail méthodologique doit se renouveler. L’analyse du discours a utilement complété la « boite à outils » de la recherche en stratégique. Néanmoins, on peut douter de la pertinence du recours quasi exclusif aux entretiens pour comprendre un comportement ayant une dimension affective ou dont l’explication rationnelle est bloquée.

C’est pourquoi, nous nous proposons d’explorer une méthode alternative : la méthode des scenarii. L’objectif de notre article est de nature méthodologique : il s’agit de mettre en oeuvre et de tester une technique indirecte. La recherche sur laquelle nous nous appuyons a permis de tester l’utilisation d’une méthode projective pour comprendre les déterminants des décisions et comportements de dirigeants dans un domaine où l’affectif et les non-dits peuvent rendre inopérants les outils de recherche directs.

Ainsi, nous avons analysé les limites du discours direct dans la compréhension de certains comportements et présenté les grandes lignes du test projectif choisi. Une application pour l’explication des comportements de protection de l’environnement a été proposée.

1- DES LIMITES DES ENTRETIENS…AUX APPORTS DES TESTS PROJECTIFS

- Lorsque les mécanismes de défense sont tels que le répondant ne connaît pas les déterminants de son comportement,

- Lorsque les phénomènes de rationalisation a posteriori sont importants (ex : décision émergente)

- Lorsque le répondant peut avoir intérêt à masquer les déterminants de son comportement

- Lorsque les facteurs situationnels et l’affectif jouent un rôle clé…

…L’entretien présente certaines limites. En revanche, les tests projectifs en agissant comme un révélateur permet d’ « expulser de la conscience les sentiments répréhensibles pour les attribuer à autrui. » (Evrard, Pras, Roux, 93, p 104). Dès lors, les mécanismes de défense et les processus de rationalisation sont considérablement diminués. De même, les intérêts que peuvent avoir les répondants pour masquer les déterminants de leur comportement tombent puisqu’ils pensent parler d’autrui. Enfin, les rapports subjectifs offerts par les tests projectifs permettent l’expression de l’affectif.

2- LA METHODE CHOISIE

Pour une utilisation auprès des dirigeants, il convient d'opter pour une technique n'ayant pas d'impact négatif sur leur statut. C'est la méthode des scenarii qui semble la mieux adaptée : la description d'une situation détaillée et réaliste nous paraît pouvoir susciter l'intérêt et l'implication du dirigeant (Fredrickson, Mitchell, 84). Afin de favoriser la projection, la construction des scenarii s’appuie sur des projets réels. L’identification de ces derniers a été effectuée grâce aux entretiens semi-directifs conduits auprès de tous les membres du comité de direction, des responsables des principaux services ainsi que de certains directeurs d’usine.

3- RESULTATS DE L'APPLICATION AU CAS DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Outre la bonne acceptation des scenarii et l’importante projection, la recherche conduite sur le comportement de protection de l'environnement a permis de mettre en évidence la palette d’écarts observée entre les propos obtenus de façon directe et indirecte. Quatre groupes sont ainsi apparus :

- Groupe 1: Aucun écart. Pour ces répondants, la mise en place de mécanismes de défense est inutile. Le comportement de protection de l’environnement est guidé par des valeurs fortes.

- Groupe 2: Apparition de déterminants par les scenarii. Ici, les déterminant en question paraissent difficilement avouables de façon directe. Nous nous rapprochons de l’expression des sentiments répréhensibles pour laquelle la littérature recommande l’utilisation de tests projectifs.

- Groupe 3: Disparition de déterminants lors des scenarii. Les répondants de ce groupe se focalisent lors des scenarii sur un nombre restreint de déterminants. La richesse du discours lors de l’entretien incombe clairement aux biais de prestige.

- Groupe 4: Déterminants totalement différents entre entretiens et scenarii. Les répondants du groupe 4 vont encore plus loin : les déterminants évoqués lors des entretiens sont différents et souvent contradictoires avec ceux mentionnés au vu des scenarii. Dans ce groupe, les mécanismes de défense semblent exacerbés, dans certains cas la présence d’un discours stéréotypé lors de l'entretien a pu être observée.