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Pezet Anne

Auteur

Anne PEZET

 

Résumé

Le management stratégique de l'investissement mobilise des champs aussi divers que le stratégique, le financier, le technique, le contrôle ou même le social (Pezet, 1998a). Par ailleurs, la formation d'une stratégie pour l'investissement se construit dans la durée. La méthodologie utilisée est adaptée à ce thème à la fois transversal et longitudinal. La méthode critique de l'histoire associée à une revue de la littérature stratégique, organisationnelle et financière permet de mettre en évidence une lecture originale du management stratégique de l'investissement. Huit cas (issus d'une recherche sur archives) illustrent la décision d’investissement dans l’industrie française de l’aluminium de 1893 à 1986.

La stratégie y apparaît de manière sporadique. La perspective historique montre que le management stratégique de l’investissement évolue en fonction de la situation économique dans l’industrie. Pendant les phases de croissance stable (années 1920 et 1960), la stratégie se fait formellement inexistante dans la décision d’investissement. En revanche, lors des phases d’instabilité (émergence avant 1915, pénurie dans les années 1950 et volatilité dans les années 1980), la stratégie est au coeur de la décision. Son expression cependant est différente à chaque période : définition de son contenu, construction et mise en oeuvre d’un paradigme décisionnel puis instrumentalisation.

La phase d'émergence est associée à la structuration stratégique de l'activité, une lecture porterienne montre que les différentes forces concurrentielles (concurrents, clients, fournisseurs, nouveaux entrants, produits de substitution) sont évaluées et participent à la décision d'investissement. Suit une période de croissance stable (entre les deux guerres) pendant laquelle la stratégie disparaît du management de l'investissement. C'est aussi une période où celui-ci s'instrumentalise plus formellement qu'auparavant avec l'apparition de la procédure (Pezet, 1999).

Après la Deuxième guerre mondiale, le marché est en forte croissance et l'industrie de l'aluminium est confrontée à une pénurie de l'offre. Le management de l'investissement se fait dans l'urgence d'une véritable "course aux capacités". L'action rapide exige de l'organisation une capacité de réaction exceptionnelle. L'investissement est alors moins analysé dans sa dimension traditionnelle (rentabilité) que réalisé dans l'urgence. Il mobilise un répertoire de réponses à l'environnement, intériorisées dans un paradigme décisionnel (Johnson, 1988 et 1987).

Les projets entrant en consonance avec ce paradigme à la fois technique et économique sont réalisés (Noguères, Cameroun) alors que les projets présentant un trop fort caractère de dissonance, dû essentiellement à une intervention de la sphère politique, sont abandonnés (Guinée). Suit une période plus stable dans les années 1960 et, là encore, l'instrumentation du choix se développe avec l'adoption des outils actualisés (Pezet, 1996a).

La période des années 1970 est marquée par l'arrivée de la planification mais sans la stratégie ; ce n'est que dans les années 1980 que celle-ci débouche sur une véritable formalisation. A la stratégie réalisée qui prévalait depuis la fin du XIXe succède une stratégie délibérée et instrumentalisée au service du choix d'investissement.