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Marmuse Christian

Auteur

Christian MARMUSE

 

Résumé

Cet article concerne la manière de poser un diagnostic stratégique en situation d’incertitude comme une démarche de construction de sens (quel sens doit-on donner aux signes observables dans l’environnement et dans l’entreprise ?) bien plus que comme une simple méthode d’observation du réel et de déduction des traits les plus saillants.

Notre propos se situe dans une perspective que Alain Charles Martinet a coutume de qualifier d’idéo-logique [Martinet, 1997]. Cherchant à caractériser de façon plus satisfaisante encore la théorie et la méthode du diagnostic stratégique, nous voulons faire référence à ce courant cognitif et idéologique en nous inspirant de certains des travaux de Karl Weick consacrés à la construction de sens. La traduction de « sensemaking » peut être équivoque. La signification première est celle d’ « avoir un sens ». Mais la traduction par « construction de sens » nous paraît plus conforme avec l’idée de l’auteur qui transparaît dans l’ensemble de l’ouvrage et aussi de l’oeuvre de Karl E. Weick En particulier, l’ouvrage central consacré à ce thème nous procure le fil directeur pour tenter de proposer une vision opératoire et compréhensive de ce que pourrait être une forme finalement très « constructiviste » du diagnostic.

L’hypothèse sur laquelle nous nous basons est celle d’un diagnostic conçu comme processus d’intelligence stratégique. Le diagnostic, dans sa dimension stratégique est fondamentalement contextuel, centré sur l’action et emprunte les voies de la démarche heuristique pour conduire à l’élaboration à la construction d’une conviction. Nous nous démarquons ainsi d’une importante littérature de gestion qui verrait le diagnostic comme le révélateur rationnel et définitif de réalités sous-jacentes à l’action, basé notamment sur l’observation du secteur, des forces concurrentielles ou de la performance passée des concurrents.

Le diagnostic stratégique n’est pas une étape préalable à la stratégie, mais bien un processus intégré où l’action se mêle à la construction d’une interprétation, d’une représentation, elle-même source d’inspiration stratégique

Notre démarche est celle d’emboîter le pas aux travaux cités précédemment pour en effectuer un transfert personnel sur le domaine du diagnostic stratégique. Au confluent des courants de la dialogique du complexe d’Edgard Morin, de celui du paradigme procédural d’Herbert Simon et de la recherche de sens de Karl E. Weick, l’essai est aussi d’aboutir à quelques propositions méthodologiques susceptibles d’éclairer la compréhension de la démarche tant pour le praticien que pour le chercheur ou l’observateur des organisations. L’exemple particulier du changement de direction et de diagnostic de PSA nous sert de recours pragmatique pour éclairer le caractère raisonnable de la démarche de terrain.

Cet article présente ainsi le diagnostic comme un concept ambivalent orienté vers la construction d’une représentation par et au sein d’une organisation.

La démarche de construction de sens permet de considérer le diagnostic tour à tour comme ancré dans la construction d’identité, comme un processus de reconstruction rétrospective, comme un processus d’ « enactment », possédant une dimension sociale et organisationnelle, un processus « en cours », sélectif et utilisant le référentiel du plausible plutôt que celui de l’exactitude.

Cette manière de considérer le diagnostic stratégique induit quelques propositions méthodologiques pour faire de ce processus une démarche procédurale en continu et « chemin faisant ».

Neuf propositions sont ainsi livrées pour dessiner un nouveau cadre de la démarche diagnostique :

- Complexifier la représentation pour susciter des espaces de représentation ;

- Développer des processus de verbalisation des visions dans l’organisation ;

- Utiliser le récit pour relier l’abstrait et le concret

- Susciter des relations causales dans le discours ;

- Reconstruire les évènements passés complexes pour construire une vision collective ;

- Passer de l’action aux routines ;

- Construire des bases de données d’expériences ;

- Révéler les hypothèses sous-jacentes et

- Relier le diagnostic à la position de son auteur.