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Eggrickx Ariel

Auteur

Ariel EGGRICKX

 

Résumé

Le problème de coopération entre le management politique et le management technocratique, de conciliation entre la rationalité politique et la rationalité économique se pose dans toute organisation. Ce problème est encore plus fondamental dans le cas des Chambres de Commerce et d’Industrie. En effet, alors que les activités relèvent simultanément d’une logique marchande et d’une logique de service public (ports, aéroports, formation, services aux entreprises), le principe de subordination de l’administration au politique a pour effet a priori de faire dominer la seule rationalité politique.

LE DEFI DES C.C.I. : CONCILIER LE MANAGEMENT POLITIQUE ET LE MANAGEMENT TECHNOCRATIQUE

La structure formelle basée sur le principe de la séparation des pouvoirs (politique/technostructure), l’existence de croyances durables négatives des cadres à l’égard des politiques et réciproquement, rendent la coopération entre les élus et les technocrates difficile. Pourtant, la complémentarité entre les politiques et les technocrates est indéniable tant sur le plan comportemental que sur le plan cognitif.

D’une part, le décideur politique disposant d’une grande « latitude managériale », peut considérer que l’absence d’émoluments justifie une certaine liberté (satisfaire ses désirs de prestige et de pouvoir), d’autant plus facilement que la situation décisionnelle de type « garbage can » s’y prête et que la sanction par le vote

s’avère peu effective.

D’autre part, un processus de prise de décision intelligent doit concilier les pressions pesant sur les politiques et les contraintes économiques, techniques et administratives. Il doit aussi concilier les deux types d’approche (Bower, 1983) : celle des politiques (stimuli à filtrer, faible disponibilité, urgence, information fragmentée et qualitative), et celle des technocrates (stimuli filtrés, forte disponibilité, recul, information extensive et formalisée).

La séparation des rôles technostructure/politique génère de sérieuses incohérences, ce qui a pour effet de modifier les règles informelles. Dans les faits, l’organisation fonctionne selon une structure matricielle - plus ou moins informelle -, basée sur les binômes « président de commission/cadre de direction ».

Cependant, l’interaction entre élus et cadres suppose l’existence de référentiels communs, qui se maintiennent malgré les cycles électoraux (tous les 3 ans) et les personnalités très diverses des élus. Puisque les C.C.I. ne connaissent pas de crise majeure dans leur fonctionnement courant, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il existe des règles conventionnelles, construites à travers les interactions, constituant la solution d’un problème de coordination, solution qui tend à se reproduire avec régularité (Gomez, 1996).

L’OBSERVATION DU CAS DES C.C.I. : DES REALITES PARADOXALES

Afin d’explorer les modalités de l’interaction au sein des binômes élu/cadre, nous avons réalisé une étude de cas - par entretiens de type non directif - dans deux C.C.I. de taille moyenne, au type de fonctionnement perçu opposé. Nous avons interprété les données en utilisant le modèle heuristique d’analyse de la firme (Gomez, 1996), qui propose trois niveaux d’analyse de la « convention d’effort » : 1. sens (objectif commun conventionnellement admis), 2. gouvernement (comment s’établissent les normes de l’effort que les acteurs doivent assurer ?), 3. mesure (comment les acteurs savent-ils que les comportements normés sont efficaces ?).

Dans la première C.C.I., nous avons mis en évidence un cycle dysfonctionnel solidement ancré (perte d’identité, disjonction, désordres budgétaires), où pourtant l’ampleur des désordres demeure limitée, ce que nous avons appelé convention d’effort « survie ». Dans la seconde C.C.I., la convention d’effort (identité forte, travail collectif, co-responsabilité) peut être interprétée comme une convention « créativité ».

La prise en compte de l’histoire des deux C.C.I. permet d’observer les modes de transition entre ces conventions. La convention « survie », plus naturelle et plus cohérente, peut s’instaurer de façon non intentionnelle ; mais, inéluctablement, elle est appelée à disparaître. La convention « créativité », plus difficile à mettre en oeuvre et plus vulnérable, subsiste tant que certaines conditions initiales se maintiennent.

Cette lecture ouvre des perspectives de recherche sur le repérage de conventions-type, et les interférences entre conventions (y compris celles d’ordre supérieur).