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Dumez Hervé, Jeunemaître Alain

Auteur

Hervé DUMEZ

Alain JEUNEMAÎTRE

 

Résumé

Le développement international des entreprises conduit de grands groupes multinationaux à se concurrencer sur une multitude de marchés en même temps. Le phénomène, connu sous le nom de concurrence multipoints ou multimarchés, est ancien, connu, mais finalement relativement peu étudié. Il a été modélisé, depuis une dizaine d'années, à la fois par des économistes et des gestionnaires. Son étude empirique est difficile et encore embryonnaire. Il y a là une voie de recherche sans doute importante à approfondir dans la mesure où, si le phénomène existe, il doit jouer un rôle important dans la stratégie concurrentielle des entreprises.

La communication présente les principaux éléments théoriques de l'étude de la concurrence multimarchés, à partir des différents modèles développés par les économistes et les gestionnaires. Elle confronte ensuite ce cadre théorique à l'analyse d'un cas, celui de la concurrence entre grands groupes cimentiers mondiaux. Enfin, elle s'efforce de donner quelques éclairages sur la dimension proprement stratégique du phénomène.

L'ÉTAT DE L'ART SUR LA QUESTION DE LA CONCURRENCE MULTIMARCHÉS

Le phénomène a été repéré et analysé sommairement dans les années 50/60, au moment de la formation de grands conglomérats. Il a été modélisé au cours des années 80/90. La concurrence multimarchés peut porter sur la dimension géographique ou la dimension des produits (par exemple, Gillette et Bic se font concurrence à la fois sur le marché du stylo en plastique et du rasoir en plastique). Elle se joue en situation asymétrique (il y a équilibre multimarchés si la firme A domine B sur le marché M, alors que B domine A sur le marché M). L'équilibre concurrentiel multimarchés repose en effet sur des ripostes décalées (si B attaque A sur le marché M, A ripostera sur le marché M). L'existence de concurrents indépendants perturbe le jeu de la concurrence multimarchés.

LE CAS DU CIMENT

La concurrence dans l'industrie cimentière est spatiale du fait des coûts de transport élevés du produit. Les marchés sont oligopolistiques et régionaux. Des grands groupes multinationaux se sont constitués dans cette industrie, au cours des années 80/90, qui se retrouvent face-à-face sur une multitude de marchés locaux. Il est difficile, empiriquement, de mettre en évidence des situations d'équilibre liées à la concurrence multimarchés. Mais le cas du Vénézuéla semble exemplaire. Trois firmes locales se partageaient le marché. En 1989-90, la situation économique étant très mauvaise, ces trois firmes sont entrées dans un processus de concurrence destructrice. Entre 93 et 95, ces trois firmes sont rachetées par trois groupes internationaux et la concurrence destructrice cesse. Toutes choses étant parfaitement égales par ailleurs, la seule explication possible du changement de régime concurrentiel est l'équilibre multimarchés.

CONSÉQUENCES STRATÉGIQUES

Les grands groupes multimarchés développent des stratégies de sphères d'influence réciproques garantissant des équilibres possibles. Là où la concurrence multimarchés ne joue pas, les marchés jouent le rôle de déversoirs concurrentiels (concurrence frontale en prix et en parts de marchés).