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Donada Carole

Auteur

Carole DONADA

 

Résumé

La plupart des industries manufacturières occidentales ont connu au cours de la dernière décennie une évolution radicale. Le partenariat client-fournisseur, s'est substitué dans de nombreux cas aux relations d'achats et de sous-traitance. Au lieu de faire faire aux fournisseurs des produits préalablement conçus et définis dans des cahiers des charges détaillés, les donneurs d'ordres se mettent à coopérer avec leurs fournisseurs pour concevoir, développer et fabriquer avec eux leurs produits.

L'objectif de cette étude est donc de comprendre comment les fournisseurs peuvent-ils construire une force de proposition en coopérant avec leurs clients ?

Pour répondre à cette question, nous avons formulé six hypothèses qui visent d’une part à identifier les facteurs explicatifs d'un fort degré de coopération verticale et, d'autre part, à montrer l'existence d'un lien entre ce degré de coopération et la force de proposition qu'en retirent les fournisseurs vis-à-vis de leurs clients partenaires.

Les fondements théoriques de ces hypothèses sont présentés dans la première partie de l'article. Ils font référence à la théorie des coûts de transaction, à l’approche par les ressources et les compétences ainsi qu’à l’approche par le pouvoir et la dépendance.

S'en suit la description de l'étude empirique proprement dite qui a été conduite auprès de 2500 entreprises fournisseurs automobiles dans le monde (plus de 300 données collectées par questionnaire ont été analysées dans un modèle d’équations structurelles avec variables latentes Partial Least Squares - PLS).

Les résultats obtenus sont discutés dans la troisième partie de l'article. Ils montrent globalement que les fournisseurs peuvent obtenir une force de proposition vis-à-vis de leurs clients avec lesquels ils coopèrent.

Cette force de proposition correspond à une capacité des fournisseurs à se faire écouter des clients, et à faire en sorte que ces derniers acceptent leurs propositions ; (ce qui est traditionnellement impossible dans un format de relations classiques de sous-traitance). Dès lors, le partenariat n'est pas un discours traduisant une sous-traitance déguisée comme l'affirme la plupart des responsables d'entreprises fournisseurs (cf. les résultats d’une première étude qualitative, Donada, 1997). Le partenariat est aussi une opportunité pour les fournisseurs qui, en devenant des interlocuteurs crédibles, peuvent améliorer leur pouvoir et rééquilibrer en leur faveur une situation de dépendance vis-à-vis de leurs anciens donneurs d'ordres. Autrement dit, l'existence d'une causalité positive et statistiquement significative entre le degré de coopération et la force de proposition qu'en retirent les fournisseurs donne ainsi raison aux responsables des grands équipementiers automobiles comme Valéo ou Bertrand Faure qui ont vu très tôt dans le développement du partenariat la possibilité d’une nouvelle marge de manoeuvre stratégique vis-à-vis des constructeurs automobiles dont ils dépendaient entièrement.

Cependant, il ne s’agit de faire du partenariat dans n’importe quel contexte pour obtenir cette force de proposition. Les résultats statistiques révèlent en effet que les transactions sur des produits très spécifiques ne nécessitent pas forcément une forte collaboration verticale ; ce qui n’est pas le cas lorsque les activités des fournisseurs sont difficilement réintégrables par le client.

Enfin, il apparaît que la force de proposition des fournisseurs relative à un fort degré de coopération ne peut exister sans leurs investissements massifs dans des ressources et des compétences stratégiques. Parmi celles-ci, la capacité d'innovation occupe la première place devant l'expérience du fournisseur en gestion de projet et une structure favorisant le partenariat interne.