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Detchessahar Mathieu, Lemarchand Yannick

Auteur

Mathieu DETCHESSAHAR

Yannick LEMARCHAND

 

Résumé

Le 2 Octobre 1918, le Général Ludendorf, le grand stratège allemand de la guerre de 14-18, dressait un constat amer à la tribune du Reichstag : « Il n'y a plus aucune possibilité de vaincre l'ennemi et le premier facteur ayant déterminé ce résultat de façon décisive, c'est le char d'assaut ». Engagés pour la première fois sur le front au printemps 1917, puis de manière massive à compter de l'été 1918, les chars d'assaut français ont percé les lignes allemandes, ouvert la voie aux fantassins, provoqué des paniques locales, disloqué la conduite au combat des armées ennemies.

Bien entendu, le succès des chars français est le fruit d'un long processus d'innovation. Mis au point au cours du conflit, dans l'agitation des combats, les chars d'assaut sont le produit d'une véritable fièvre innovatrice qui s'empare, dès le début de la guerre, de quelques officiers et ingénieurs français préoccupés par l'obligation de domestiquer rapidement un champ de bataille aux caractéristiques nouvelles et inattendues : bosselé, troué, tissé de réseaux de tranchées et de barbelés…

Cette communication ne rend compte que d'une première étape de la recherche entreprise. Après avoir présenté un bref historique du développement des chars d'assaut, nous tenterons de poser les premiers éléments d'analyse du processus d'innovation en même temps que nous énoncerons les hypothèses qui vont guider la suite de ces travaux.

Se fondant sur le concept de réseaux, tel qu'entendu par la sociologie française de l'innovation, l'étude tente de montrer qu'il existe, pour comprendre la construction des réseaux d'innovation en situation d'urgence, des principes plus puissants que les opérations de traduction et d'intéressement. Ces principes résident dans la préstructuration sociale de ces réseaux, que l’on peut approcher en interrogeant, en amont des opérations d’intéressement, les trajectoires socioprofessionnelles des acteurs de l’innovation.

Detchessahar Mathieu

Auteur

Mathieu DETCHESSAHAR

 

Résumé

Les approches traditionnelles en théorie des organisations — historiquement axées sur une problématique de la performance — font peu de place à la communication comme mode de régulation organisationnelle, c’est-à-dire comme vecteur de coordination du travail. L’activité communicationnelle est vue au mieux comme le support de processus négociatoires, c’est-à-dire en tant que média fondamentalement pollué par l’agir stratégique des acteurs, au pire comme un vecteur de flânerie ou de contestation (Borzeix, 1991; Laville, 1993). Ceci explique en partie que la parole occupe une place marginale dans la littérature et les réflexions sur les organisations, particulièrement dans les ouvrages des auteurs classiques en management (Chanlat, Blümel, 1998). Plus largement, Cossette n’hésite pas à écrire que le langage est, d’une certaine manière, la dimension oubliée de l’étude des organisations (Cossette, 1997).

Il est vrai que, pour qui se préoccupe de performance, le « dire » est souvent perçu comme un frein à l’action, un vecteur de désordre, une activité concurrente du « faire », le seul vrai travail dont la communication détournerait... Cette position est bien relayé par le sens commun : ne dit-on pas que les « actions parlent plus que les actes » ou encore que les choses sont toujours « plus faciles à dire qu’à faire » (Grant, Keenoy, Oswick, 1998).

En réalité, la communication ne semble redevenir un digne objet de recherche en sciences de gestion que lorsqu’elle se développe à l’initiative des dirigeants (Mintzberg, 1973; Grönn, 1983; Gamot, 1996) dont elle serait l’apanage. Hors de la sphère de l’encadrement supérieur, le « faire » aurait toujours plus de valeur que le « dire » et occuperait logiquement la quasi-totalité du temps de travail des individus dans les organisations performantes. A ce niveau, la communication se développerait toujours de façon disjointe du « faire » à des moments et en des lieux bien spécifiques: temps de pause, cafétaria, temps de réunion, congrès annuels ou, plus récemment, lors de tous les « évènements de parole » liés au management participatif (cercles de qualité, groupe de productivité ou d’expression, projet d’entreprise...) (Borzeix, 1995) ou encore au sein de tous les « lieux de débat » prévus pour le suivi de la stratégie et visant à instaurer un bouclage ou un rapprochement entre réflexion et action, projet et réalisation (Avenier, 1997).

Ce qui va retenir notre attention dans ce papier, c’est la communication qui se développe dans le cours du processus de travail et qui entretient avec lui une relation très étroite, au sens où elle en constitue l’essentiel. Cette communication se développe à l’initiative des opérateurs et non du sommet stratégique de l’entreprise et vise à produire un accord sur ce qu’il faut faire et comment il faut le faire, sur les solutions productives à mettre en oeuvre dans des situations où la nature du travail à exécuter, des biens ou des prestations à échanger est toujours en question.

Dans ces situations le « dire » constitue la trame essentielle du « faire » car il permet seul de lever l’incertitude sur ce qui doit ou peut être fait dans la situation de travail dans laquelle les opérateurs sont impliqués. C’est par la discussion que les opérateurs vont s’informer, s’arranger, s’entendre, s’accorder... construire des définitions communes de leur situtation.

Pour rendre compte de ces situations, nous posons ici les premiers éléments d’une théorie de l’espace de discussion en situation de gestion. Cette théorie est argumentée et illustrée à partir de l’étude de l’évolution des modes de coordination des entreprises de transport routier de marchandises.