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Bourgeon Laurent, Demil Benoit

Auteur

Laurent BOURGEON

Benoît DEMIL

 

Résumé

Le secteur hospitalier public français a connu des changements importants dans les années 80 et 90. Un nouveau mode de financement et une nouvelle répartition des activités hospitalières sont notamment mis en place. Dans ce contexte dynamique, chaque hôpital fait des choix concernant les activités qu’il mène ou qu’il développe, les technologies qu’il adopte ou les accords de coopération qu’il passe. L’innovation peut ainsi permettre à un hôpital de faire face et de s’adapter à son environnement. Cependant, l’innovation nécessite des ressources.

La présente recherche a une visée confirmatoire et étudie le lien entre slack et innovation. Ce lien apparaît comme paradoxal dans la littérature. D’un côté, la littérature considère le slack comme un facteur important dans les processus d’innovation. Lorsqu’une organisation dispose de slack, elle peut se permettre d’expérimenter des comportements et des projets innovants. Sans celui-ci, ces expérimentations seraient en effet rejetées par l’organisation. D’un autre côté, la présence de slack peut être vue comme un gâchis pour l’organisation. Elle permet à des acteurs de poursuivre des projets sans importance pour “ le principal ”, mais qui en ont pour “ les agents ”.

Dans ces conditions, les acteurs créent plutôt du slack à leur profit au détriment de leur organisation. Il doit donc être éliminé au maximum puisqu’il est un signe d’inefficience.

Cependant, les deux approches ont en commun d’affirmer que le slack favorise l’expérimentation au sein des organisations. Cette expérimentation est facteur d’innovation jusqu’à un certain seuil audelà duquel l’innovation est inhibée. Ainsi deux hypothèses méritent d’être testées. La première établit une corrélation positive entre le nombre d’innovation et le niveau de slack, la seconde qualifie cette relation de curvilinéaire.

Par ailleurs, la littérature sur l’innovation indique que la nature des innovations mises en place par les organisations diffère selon leurs ressources. Ainsi, on observerait plutôt des innovations technologiques dans les organisations disposant de ressources abondantes et plutôt des innovations administratives dans celles où les ressources sont rares. Deux autres hypothèses sont testées, toutes deux établissant un lien entre le niveau de slack et la nature des innovations mises en oeuvre.

L’étude a porté sur 203 hôpitaux publics français sur la période 1989 - 1992 (29 CHRU et 174 CHG). Elle a permis de mettre en évidence :

- Que le slack semble une variable pertinente pour partager les organisations innovantes de celles qui ne le sont pas. Les relations théoriques avancées par la littérature sont confirmées. De plus, ces projets sont plus risqués lorsqu’il y a beaucoup de slack (proportion d’innovations radicales plus importante).

- Deuxièmement, que de façon paradoxale par rapport à la littérature, les hôpitaux les moins pourvus en slack investissent proportionnellement plus dans des innovations techniques qu’organisationnelles.

- Enfin, que dans un secteur fortement institutionnalisé comme le secteur hospitalier où il est vital de faire la démonstration de l’adhésion aux objectifs de la tutelle, la gestion de la légitimité est une variable cruciale. Et que dans ce sens, les innovations organisationnelles peuvent être considérées comme un facteur clé de succès actuellement; celles-ci apparaissent comme un moyen de faire la preuve de l’adhésion aux normes administratives et confèrent une image d’hôpital géré comme une entreprise.