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David Albert

Auteur

Albert DAVID

 

Résumé

Le statut épistémologique des sciences de gestion suscite, encore aujourd’hui, de nombreux débats. Que peut-on, en gestion, considérer comme relevant de la science ? Le management, comme il est souvent dit, ne serait-il qu’un art pratique, qui n’aurait de scientifique que ce qu’il emprunte à l’économie, à la sociologie, à la psychologie ou aux sciences cognitives ? Et n’y aurait-il de science que dans l’observation méthodique mais passive de l’action des gestionnaires ? Les travaux sont nombreux qui remettent en cause cette vision des choses. Piaget (1970) et la position de l’ingénierie dans la spirale des sciences, Simon (1981) et les sciences de l’artificiel, Checkland (1984) et la Soft Systems Methodology, Argyris (1985) et l’Action Science, Hatchuel et Molet (1986) et le rôle de la modélisation rationnelle dans la compréhension et la transformation des systèmes organisés, Le Moigne (in Martinet, 1990) et le constructivisme en sciences de gestion, Roy (1992) et la science de l’aide à la décision, Koenig (1997) et la recherche-action diagnostic, pour ne citer que ces travaux, contribuent à un fondement épistémologique et méthodologique spécifique aux sciences de gestion.

Nous allons tenter, dans les lignes qui suivent, d’apporter notre contribution à ces débats scientifiques. Pour à la fois progresser dans les voies tracées par les travaux cités ci-dessus et contribuer à fédérer un certain nombre d’approches épistémologiques et méthodologiques, nous allons ici étayer trois hypothèses de travail :

- Il faut considérer globalement, dans la génération des connaissances scientifiques, dépasser l’opposition classique entre démarche inductive et démarche hypothéticodéductive et considérer une boucle récursive abduction/déduction/induction. Cette boucle n’a pas besoin d’être parcourue intégralement par chaque chercheur ou au sein de chaque dispositif de recherche : il suffit qu’elle le soit collectivement dans la communauté scientifique.

- Il faut dépasser l’opposition entre positivisme et constructivisme, dissiper certaines confusions, par exemple celles résultant d’associations trompeuses entre positivisme et méthodes quantitatives ou, de manière symétrique, entre constructivisme et méthodes qualitatives, pour explorer les différentes implications d’une conception constructiviste en sciences de gestion.

- Les méthodologies en usage sont très variées et souvent perçues comme concurrentes ou antinomiques. Il faut, là encore, dépasser ces oppositions et intégrer les différentes approches au sein d’un même schéma conceptuel.

La littérature de référence sur les questions de logique, d'épistémologie et de méthodologie est extrêmement abondante. Nous nous appuierons ici principalement, bien que pas uniquement, sur des textes et auteurs classiques de l'épistémologie des sciences ainsi que, pour ce qui concerne les sciences de gestion, aux textes qui ont, parmi les premiers, contribué à donner à ces sciences un statut épistémologique et méthodologique. Pour étayer les trois hypothèses de travail annoncées plus haut, nous aborderons, tout d’abord, les trois formes du raisonnement et nous montrerons qu’il est impossible de considérer séparément les aspects abductifs, déductifs et inductifs et qu’il faut, au contraire, prendre en compte dans sa globalité une boucle récursive abduction/déduction/induction. Nous détaillerons les différents niveaux d’abduction et nous préciserons les conditions de validation des éléments de connaissance qui en sont issus. Nous rappellerons ensuite l’opposition aujourd’hui classique entre une conception positiviste et une conception constructiviste des sciences de gestion pour enfin dépasser cette opposition et aborder à la fois une typologie des recherches et une théorie de l’intervention en sciences de gestion.