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Asquin Alain

Auteur

Alain ASQUIN

 

Résumé

Lorsque l'on aborde l'organisation sous l'angle d'un système de routines, c'est à dire de compétences et de pratiques sédimentées au fil des apprentissages, le traitement de la question de sa dynamique inclut généralement le dilemme des tensions qui existent entre le besoin de transformation et la nécessité de ne pas créer de ruptures majeures qui seraient potentiellement désorganisatrices. Ainsi, le débat tend à se focaliser sur l'un ou l'autre des écueils que sont l'inertie et la désorganisation. Nous proposons ici de discuter les conditions dans lesquelles les entreprises s'efforcent de maintenir une équilibration entre ces deux pôles, en incluant les circonstances et les conséquences d'un échec dans cette mission.

Pour cela, notre analyse recourt aux modélisations des sciences du vivant. Nous sommes conduits à penser que l'évolution des organisations serait le produit d'oscillations répétées entre des innovations et des adaptations. Ces oscillations sont le fruit d'un processus d'auto-organisation où nous distinguons quatre phases essentielles. Cette représentation prend pour base un modèle de structuration dissipative qui met bien en évidence les tensions existantes entre les forces de rupture et les boucles de rétroactions qui cherchent à maintenir la continuité du système organisé. L'intérêt est que ce méta-modèle peut supporter différentes configurations dynamiques, allant de l'innovation à l'inertie en passant par l'adaptation.

Nous proposons ici de donner une interprétation de ce modèle grâce à des termes et des concepts propres aux sciences sociales.

Cela nous conduit à proposer que des modèles d'interaction sociale généralement présentés comme antinomiques peuvent coexister et se révéler plus particulièrement dans différents contextes d'un même processus. Un point intéressant est que ce processus dynamique intègre les conditions de l'inertie, lorsque les boucles de rétroaction sont plus fortes que les impulsions contestataires. La dynamique n'est donc pas assurée. Un autre point intéressant est que cette négation peut être faite pour de bonnes ou des mauvaises raisons sur le plan de l'efficacité organisationnelle. La dynamique n'est en rien objective. Enfin, replaçant l'interaction sociale au centre de la dynamique du système, nous proposons de considérer qu'elle peut être elle même responsable de sa perte de contrôle sur le système. Le caractère déterministe d'une dynamique pourra ainsi avoir été provoqué par l'Homme. Si des théories convaincantes ont déjà été proposées sur l'alternance de périodes de changement brutal et continu, il nous est apparu intéressant d'ajouter les conditions dans lesquelles ces formes dynamiques se construisent, et les circonstances qui peuvent conduire à leur propre négation c'est à dire à l'inertie.

Nous considérons que c'est une tâche méconnue des managers que de rendre cette oscillation soutenable. Certaines fluctuations doivent être inhibées car potentiellement néfastes pour l'entreprise, notamment lorsqu'elles ne respectent pas la référence aux structures profondes de l'organisation. D'autres doivent être encouragées même si elles remettent en cause la légitimité des solutions en place et qui ont fait "leurs preuves". Nous proposons ainsi que la dynamique organisationnelle est une oscillation entre deux formes de lamarckisme, l'un étant plutôt adaptatif (le plus connu), l'autre autonome (nous le développons).

Cela ne signifie pas que nous rejetons l'analyse néodarwiniste. Elle fait partie du processus, mais comme forme anormale. Elle est un dysfonctionnement au cours duquel l'adaptation s'est graduellement durcie. Le problème c'est qu'il est plus difficile de revenir de cette autre extrémité du continuum.