AIMS

Geindre Sébastien
Confiance et pratiques de réseau

Auteur

Sébastien GEINDRE

 

Résumé

L’intensification de la concurrence, notamment du fait de l’ouverture des marchés, la rapidité des évolutions technologiques, l’accélération de la circulation des informations sont des facteurs couramment évoqués pour expliquer le développement des formes réticulaires (MILES et SNOW, 1986, POWELL, 1987, POWELL, 1990).

L’industrie lunetière présente de nombreuses caractéristiques qui laissent supposer que les pratiques de réseau sont importantes. En effet, le marché de la lunette est très concurrentiel du fait de l’entrée de nombreux nouveaux concurrents (asiatiques notamment) ; il s’agit d’une industrie où les effets de mode provoquent des changements rapides et fréquents dans les goûts des consommateurs et ainsi imposent aux fabricants une grande réactivité. De plus, l’industrie française est largement concentrée sur trois zones géographiques principales (l’Ain, le Jura et la Région Parisienne).

Dans ce cadre là, nous étudions le regroupement d’une quarantaine d’entreprises jurassiennes de ce secteur autour d’un syndicat professionnel et d’une association dont le but est de coordonner certaines activités communes. Notre objectif est de mieux comprendre comment fonctionne cette organisation qui regroupe à la fois des entreprises de taille diverse (de 3 à 900 salariés), d’activités complémentaires et/ou concurrentes. Nous nous intéressons plus particulièrement au rôle de la confiance comme mode de coordination et à son influence sur le réseautage des entreprises, c'est-à- dire à la manière dont les relations se construisent et sont utilisées.

Nous proposons dans un premier temps de revenir sur le concept de réseau. Nous constatons que ce corpus théorique est toujours en construction. Nous mettons en évidence l’importance de la confiance dans les relations de réseau. Selon nous, cette confiance est la spécificité des relations réticulaires qui leur confère les avantages qu’on veut bien leur reconnaître (POULIN et al., 1994). Les développements théoriques sur la confiance sont présentés dans une deuxième partie.

Dans une troisième partie, nous justifions notre choix pour un réseau complet plutôt qu’un réseau égo-centré. Nous utilisons notamment les préceptes méthodologiques de l’analyse structurale utilisée en sociologie pour cadrer notre objet d’étude. Cette approche méthodologique permet, selon nous, à la fois de répondre aux limites imposées par la recherche (en termes de temps, de moyens) et de conserver un objet d’étude qui correspond aux exigences de la recherche entreprise. Nous revenons, ensuite, sur les caractéristiques de l’industrie lunetière française et présentons plus en détail le syndicat des Lunetiers du Jura.

Nous constatons que ce syndicat n’est pas un réseau dans son ensemble puisqu’il n’existe pas de confiance généralisée entre les membres, mais qu’il présente, en son sein, un certain nombre de relations qui correspondent aux canons théoriques que nous présentons.

Nous mettons, finalement, en évidence, qu’il n’existe pas une seule forme de confiance entre les différents membres, mais que coexistent des formes de « confiance calculée » et de « confiance a priori » et que celles-ci tendent à déboucher sur des formes de coopérations différentes. Nous parlerons, d’une part, de « réseautage calculé » (dans la mesure où la coopération est la conséquence de la prise de conscience d’un intérêt collectif, la confiance n’est alors qu’une conséquence de la relation) et d’autre part nous soulignerons la possibilité d’un « réseautage d’amitié » fondé sur une confiance a priori entre les acteurs ; la confiance existant ici avant la genèse de la relation.