Auteurs
Annelise Mathieu
Richard Soparnot
Résumé
L’approche de la « shareholder value », accordant aux actionnaires un rôle prépondérant dans la définition des orientations stratégiques, laisserait désormais place à une approche de la « stakeholder value ». Dès lors, la diversité ainsi que l’hétérogénéité des requêtes des différentes parties prenantes conduisent à reconsidérer la place et le rôle de la firme dans la société et, à fortiori, son management stratégique. Interdépendance forte à l’égard de ses ressources et de son environnement, activité sous contraintes, nécessité d’asseoir la légitimité de ses activités, l’entreprise est plus que jamais perçue comme une arène politique au centre d’un dense réseau d’acteurs influents sur son devenir et ses choix stratégiques. Ce glissement qualitatif ouvre la voie à une réelle transformation des règles par lesquelles l’entreprise est régie. Penser le Développement Durable en entreprise implique, en effet, de réviser les modes de pensée, de mettre en oeuvre de nouvelles méthodes de travail basées sur une stratégie multidimensionnelle visant à la fois la performance économique, sociale, sociétale et écologique. Comment les entreprises parviennent-elles à intégrer ces conceptions idéologiques dans la conduite de leurs activités ? Pour certaines, le développement durable s’assimile à une somme d’exigences contraignantes et coûteuses. Pour d’autres, une politique socialement et écologiquement responsable est source d’opportunités et créatrice de valeur. De nombreux travaux ont ainsi traité des stratégies responsables dans une perspective « externe » et ont mis en évidence les bénéfices vis-à-vis des clients, l’avantage procuré face aux concurrents et la satisfaction des requêtes des stakeholders. Les bénéfices « internes » sont évoqués de manière moins systématique. Quels effets sur les actifs de la firme une telle stratégie génère-t-elle ? Peut-elle permettre à l’entreprise de reconfigurer ses compétences et de mieux exploiter ses ressources ? Dans une première partie, notre propos se centrera sur l’étude des comportements des firmes en matière de développement durable. Nous verrons ensuite en quoi ces derniers peuvent effectivement être source de bénéfices sur le patrimoine de ressources et compétences de la firme. Sur la base de ces considérations, nous serons alors en mesure de proposer une analyse approfondie des deux cas retenus pour l’étude empirique. Grâce ces dernières, nous tenterons de montrer que, finalement, l’engagement de la firme sur la voie de la durabilité est tantôt créatrice et démultiplicatrice de ressources, tantôt démultiplicatrice de compétences.
Auteur
Sandrine Berger-Douce
Résumé
Ce papier de recherche part du constat de l’ancrage territorial du développement durable. La question centrale porte sur la relation entre engagement environnemental et dynamique territoriale. En d’autres termes, l’un peut-il être qualifié de catalyseur (au sens chimique du terme) de l’autre ? Plus précisément, la pérennité d’actions collectives locales en faveur de l’engagement environnemental a-t-elle un sens ? En d’autres termes, quelles sont les conditions susceptibles de favoriser cette pérennité ?
Nous proposons comme terrain d’étude privilégié l’ancien bassin minier du Nord Pas-de- Calais autour de Lens et Douai, actuellement en forte restructuration autour de la thématique des éco-industries. La méthodologie de recherche est exploratoire et qualitative ; elle repose sur une analyse documentaire et des entretiens semi-directifs avec les principaux acteurs de terrain. Nous présentons l’analyse critique de deux expériences proches visant à fédérer les énergies locales sur les enjeux des éco-entreprises. Les perspectives des deux initiatives étudiées paraissent bien fragiles, sauf à recomposer le paysage local en y insufflant notamment de l’évaluation et une labellisation de type SPL. Par ailleurs, une certaine convergence des horizons temporels des différents acteurs impliqués semble indispensable à la pérennisation d’une démarche d’engagement environnemental.
Auteur
Anne-Marie BOCQUET-YVEN
Résumé
La politique « verte » et le développement durable, champs de réflexion qui font l’objet d’une attention croissante de la part des auteurs en management stratégique, ont un intérêt particulier dans le secteur agroalimentaire. Les préoccupations environnementales et la perception par les consommateurs de risques liés à la santé, mais aussi les enjeux de développement durable au sein de la filière (transport et gestion des emballages, développement de modèles d’agriculture moins polluante) justifient le caractère stratégique de la politique verte dans ce secteur. L’agroalimentaire constitue donc un terrain riche pour observer les démarches de politique environnementale , le rôle du concept de développement durable, et surtout la mise en oeuvre de ces démarches au sein de la filière, en collaboration avec les autres acteurs.
ALPINA SAVOIE, PME sur le marché des pâtes, affiche une démarche proactive en matière d’engagement environnemental (1er producteur de pâtes bio en France, développement précurseur d’une filière qualité Agriculture Maîtrisée, efforts de réduction de l’ensemble des impacts environnementaux), et joue un rôle d’entraînement envers ses propres fournisseurs. Le cas ALPINA SAVOIE se révèle intéressant à plusieurs titres : de par l’ancienneté et l’ampleur de la démarche qualité et agriculture maîtrisée, et l’engagement dans une démarche plus globale de réduction des impacts environnementaux en lien avec des préoccupations orientées autour du développement durable. Par ailleurs, l’entreprise assume un rôle moteur en matière d’engagement environnemental au sein de la filière agroalimentaire : la mise en place du label CQC Agriculture Maîtrisée passe par un partenariat étroit avec les coopératives d’agriculteurs ; ALPINA SAVOIE affiche l’ambition d’associer un maximum de fournisseurs à l’éthique de l’entreprise et à la démarche de réduction des impacts environnementaux.
Le cas ALPINA SAVOIE est donc intéressant pour observer une démarche environnementale proactive, orientée autour du développement durable, qui se traduit par un effet d’entraînement envers les acteurs amont.
La méthodologie employée : entretiens semi-directifs auprès de dirigeants de l’entreprise, traités par analyse de contenu, complétés par des documents de communication externe, permet d’appliquer le cadre d’analyse retenu, présenté dans un 1er temps. Celui-ci permet d’expliquer la proactivité, ainsi que le choix, privilégié par l’entreprise, de l’agriculture raisonnée, par :
- une attitude proactive plus globale adoptée par l’entreprise face à un environnement menaçant et incertain, qui justifie le choix d’un positionnement haut de gamme et de la qualité
- la perception d’enjeux stratégiques à long terme, liés à la réduction des impacts environnementaux et à une démarche de qualité globale dans un contexte de recherche de la traçabilité et de la sécurité alimentaire maximum
- une démarche de développement durable et la conscience d’une responsabilité envers le consommateur et pas seulement la nature
Par ailleurs, le cas ALPINA SAVOIE permet de souligner le rôle moteur que peuvent jouer des PME dans le domaine environnemental. Dans un contexte difficile et incertain, l’engagement environnemental dans une démarche filière est ici un véritable pari d’entreprise, face à des exigences parfois contradictoires de la grande distribution.